drose
orangemilk


Drose
Boy Man Machine – LP
Orange Milk 2016

C'était à se demander si un jour Drose allait donner une suite à leur premier single. Quatre années pendant lesquelles le trio de Columbus avait totalement disparu des radars. On va donc pouvoir enfin savoir si Drose a pris le bon chemin, si sa quête d'une musique singulière et expérimentale prend tout son sens. Le groupe aura en tout cas eu le temps d'y réfléchir. De fourbir ses armes pour accoucher d'une musique continuant de déstabiliser.

On n'entre pas facilement dans Boy Man Machine. Climats claustrophobiques, structures radicales des compositions, constructions schizophrènes jouant sur une dynamique silence/explosion, froideur et inflexibilité, Boy Man Machine regarde ses congénères de haut. Distant et implacable. Avec un début d'album où deux courts morceaux respirent dans le noir comme s'ils jaugeait ses proies avant le premier beau fait d'armes, A Loss. Car c'est quand Drose fracasse les rythmes qu'il est le plus impressionnant, quand il écrase tout d'un seul riff répétitif, Boy Man Machine ouvrant ainsi les portes d'un monde aliénant et terriblement addictif. Tapez vous le punitif Mechanism Is A Lord ou A Change. La folie ne sera pas loin à l'arrivée. Les premiers albums des Swans peuvent être évoqués bien que je ne sois pas sûr que les fans de la première heure de la bande de Michael Gira se retrouveront dans Drose. Mais dans le sens du dramatique, de l'extrêmement pesant et du nuisible qui ne met pas à l'aise, Boy Man Machine plante quelques méchantes banderilles.

Cependant, Boy Man Machine comporte aussi ses moments de perdition, des passages où les textures malaxent des drones de bruits obscurs et imprécis, des morceaux sans rythme (pour ne pas dire sans vie), installant des ambiances fluctuantes et incertaines qui sont loin d'être toutes prenantes. Le chant est également source de troubles. Seul Dustin Rose est mentionné pour la voix mais à moins de faire un dédoublement de la personnalité, difficile de croire qu'il est tout seul à passer d'une voix bizarrement androgyne à laquelle il n'est pas toujours aisé d'adhérer à un chant plus grave, comme enroué et qui n'arriverait pas à cracher le morceau. Boy Man Machine baigne dans une atmosphère anxiogène. Seulement deux guitares et une batterie sont indiquées sur la pochette mais l'ambiance est aux machines/samplers (et une basse sur His Reflection avec l'invité Bob Brinkman), plaçant la musique du trio au carrefour de plusieurs courants - metal, noise, indus, rock - pour finalement se faire taxer d'avant-garde, faute de savoir où les mettre.

Boy Man Machine est à part. Un album introspectif, douloureux, minimaliste sous ses dehors véhéments. De part son écriture originale et sa volonté de briser les structures classiques d'un morceau, de part sa façon de jouer de ses instruments, de les placer les uns par rapport aux autres avec un grand sens de l'espace, de la tragédie et du sacrifice, de placer des riffs qui n'en sont pas vraiment, de marteler une batterie avec un minimum d'éléments, d’enchaîner les morceaux, de part sa façon spéciale d'aborder le chant, Boy Man Machine interpelle. On est sous le charme, voir sous le joug. Le son imposant rentre dans la chair. Les fragments de morceaux - quand ce ne sont pas des pans entiers - pénètrent les consciences. La démarche est à saluer mais ne convainc pas encore totalement. En tout cas, Drose est sur le bon chemin.

SKX (14/06/2016)