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Cougar Discipline
Âme Soeur - LP
Kerviniou, Le Secret, Et Mon Cul C'est Du Tofu ?, Rose Bruyère, Amour Et Tétanos 2016


Vie circulaire. Illicite. Odeur de friture et d'urine amère. Atmosphère fibreuse. Drames humains consciencieusement référencés. Cougar Discipline a le sommeil déréglé inscrit sous les yeux. Vieille maquerelle. Quand il faut aborder un disque comme Âme Sœur, t'as envie de parler de tout. Sauf du disque. Sauf de musique. Parce qu'en fait, tu sais pas comment en parler, comment l'aborder ce truc indéfinissable.
Alors parlons technicité. Un gars qui joue dans Chevignon (le chanteur, Raphaël Defour). Un des deux guitaristes de Torticoli (Alexandre Casato), ces deux groupes ayant déjà partagé un bout de vinyle. Le monde est petit. A Lyon comme ailleurs. Avec le batteur de Burne et Neige Morte (Jonathan Girerd), ça donne Cougar Discipline, trio syphilitique qui répand ses mauvaises ondes à une clientèle méfiante qui ne peut s'empêcher de rire.
Un rire jaune, généreux, gras, perfide, gêné, qui sent le malaise. Car ce qui frappe d'abord, ce sont les paroles. Des paroles qui auraient tendance à accaparer toute l'attention. Qui manient autant le second degré que le caustique. Et qui surtout ne sont pas spécialement conçues pour foutre de la musique dessus. Ou derrière. Ça raconte des histoires à la première personne, des dialogues entre Elle et Lui sur Luxe Intérieur ou entre le stewart (sic - mais ils n'ont pas dû souvent prendre l'avion ou préféré mater les hôtesses) et la cougar sur Air France. C'est théâtral, exagéré, potache, loufoque, provocateur mais en aucun cas classique comme on l'entend habituellement pour des paroles de chansons. C'est hurlé ou le plus souvent parlé avec des voix très variées selon les personnages incarnées, tout dans le détail des intonations, comme un acteur en pleine performance vocale. Avec le summum atteint sur les titres Âme Sœur et Double Jeu. Exactement la même musique, le même texte mais déclamé soit tout en douceur comme un italian lover de banlieue, soit beuglé comme un gros psychopathe étrangleur de joggeuse. Idée de génie. Une approche décapante qui ne laissera pas indifférent. C'est à prendre ou à laisser. En vérité, ça me fait surtout bien marrer. Puce perverse glissée dans les habitudes de velours amidonné.
Et puis vient la musique. Qu'il ne faut pas éclipser. Qui n'est pas qu'un simple accompagnement musical. Une fois le poids des mots ingurgité, tout se met en branle. Tout s'articule. Guitare et batterie intensifient la couleur des paroles. Modifient le sens. Jouent avec. Les appuient pour faire encore plus mal. Ou les bercent d'une douce ironie. On retrouve les tics de Torticoli. Ce blues disloqué. Les pièges insoupçonnables. Avec aussi des brides de mélodies, des slow humides, ceux qui ne se privent pas pour faire leurs saloperies avec elles derrière des accords mielleux, le swing des rythmes, des feulements, des éclats, des crispations, des cheminements aussi narratifs que les textes et plein d'autres choses qu'il ne faut pas essayer de comprendre. Parce que l'Âme Sœur est un disque particulièrement singulier. Tu ne seras peut-être pas compatible mais ça serait vraiment con de ne pas essayer au moins une fois dans ta misérable vie pour une fois qu'un truc original s'y passe.

SKX (24/05/2016)