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Calva
Siamois – CD
A Tant Rêver Du roi 2016

Tu n’imagines même pas comme la vie de chroniqueur de disques est difficile : des gens bien intentionnés t’envoient des galettes en espérant que la musique te plaira et que tu chroniqueras le tout avec un petit sourire complice et quelques clins d’œil. Dans le cas de Siamois, deuxième disque long format de Calva, c’est le boss du label A Tant Rêver du Roi (qui joue également dans le groupe) qui me l’a directement envoyé avec des étoiles scintillantes dans les yeux – là, normalement je devrais placer une phrase du style « merci copaing ! ». Et puis il y a le patron de Perte & Fracas, reconnu pour ses célèbres « Humeurs Massacrantes » (il va bien falloir que tu t’y remettes, hein), qui lui m’a dit une saloperie du genre : « encore un disque de Calva ? mouais je te laisse le chroniquer, moi j’ai autre chose à foutre ». Voilà. A moi maintenant de récurer tout ce bordel. Mais tu remarqueras que même les obscurantistes pratiquent le copinage et le clientélisme, tout comme les grands qui vivent des recettes publicitaires ou du soutien d’actionnaires spécialisés dans le trafic d’armes, comme tous ceux aussi qui voudraient un jour être grands. Ce n’est pas la peine de pleurnicher et de jouer au petit puceau effarouché : chez Perte & Fracas on assume aussi bien le copinage que la méchanceté gratuite.

J’avais malgré tout dans l’idée d’étriller Siamois, juste pour le plaisir. C’est tellement amusant de dire du mal d’un disque que l’on a à peine survolé. Et dans le cas de Siamois, ce n’est pas difficile : pas besoin de l’écouter, justement, il suffit de le regarder. Cela faisait longtemps que je n’avais pas vu une pochette de disque aussi moche et repoussante – j’ai bien sûr fait exprès d’en prendre des photos dégueu –, une présentation générale qui inciterait plutôt à remiser Siamois dans la pile des trucs qui méritent tout juste de prendre la poussière avant d’être revendus ou échangés contre des bières tièdes lors du prochain vide-grenier de quartier. Mais ici ce n’est pas un critère suffisant… Et heureusement que je l’ai écouté ce disque. C’est même peu dire que je l’aime beaucoup.

Calva n’arrête pas de progresser au fil de ses enregistrements. Recentré autour de son noyau dur historique constitué d’Arnaud Millan (guitare, synthétiseurs, chant et textes) et de Stéphane Sapanel (batterie), le duo palois réussit le pari assez casse-gueule de la diversification musicale tout en recadrant sa propre identité. Il y a beaucoup de choses sur Siamois mais il n’y a jamais rien de trop, comme si Calva possédait désormais toute la clairvoyance nécessaire pour séparer le nécessaire et l’indispensable du superflu et du décoratif. Les compositions possèdent une sécheresse palpable tout en dévoilant une magnificence de tous les instants. Leur complexité n’enlève jamais rien à leur immédiateté : Siamois est un album noisy et incisif, un album de mathématiques modernes, un album d’indie-rock, un album kraut mais aussi un album dansant et, surtout, un album pop. Un disque chargé d’un groove mécanique qui ne déshumanise rien, bien au contraire. Derrière le côté cérébral et pensé de Siamois il y a toujours cette envie d’accrocher, de faire danser, d’enfoncer des mélodies de chant (et de synthés, de guitares) dans nos petites têtes de schnarkbuls habituellement défoncés au noise rock et autre joyeusetés plus ou moins bruyantes. Calva c’est de la tension vive et de l’élasticité dans un même écrin mélodique.

On pourrait trouver plein de références – je sais pas moi… The Ex… Fugazi… 31Knots…Trans Am… ( ?) je raconte vraiment n’importe quoi – pour situer désormais la musique de Calva, mais il me semble que le duo possède cette capacité à dépasser les genres, à contourner les lieux communs et à imposer son évidence propre comme un Papier Tigre sait également le faire (écoute un peu Rock Caillou). Une démarche qui fait vraiment plaisir et largement couronnée de succès. Calva passe définitivement du stade de bons faiseurs et d’artisans appliqués à celui de pourvoyeurs de bonheur. Et ça c’est beau. Et surtout plein de perspectives.

Hazam (16/05/2016)