aela





Æla
Vettlingatök – LP
Self-released 2015

Comme le dit si bien Æla lui-même, voici enfin notre deuxième album que personne n'attendait. Neuf ans que le groupe islandais n'avait pas donné signe de vie suite à un premier album hélas largement passé inaperçu. Donc oui, c'est une très grosse surprise de constater que Æla est toujours de ce monde musical sans pitié. Et une très bonne surprise tant leur précédent disque découvert sur le tard s'était révélé passionnant. Alors certes, c'est loin l'Islande, c'est hors des circuits de la branchitude mais vous auriez tort de les snober. Vous savez ce qu'on dit dans ces cas là. Ce groupe viendrait de Brooklyn, leur nom serait sur toutes les lèvres. Enfin presque. Et puis merde. Æla, c'est un plaisir personnel, une musique qui ressemble à tout et à rien, une musique juste faite pour toi, loin des tendances, loin des centres névralgiques et pourtant universelle.

Punk, post-punk, pop, noise, rock bariolé et tendu, Æla montre encore une fois un savoir-faire étonnant pour écrire douze morceaux spontanés et enivrants. Après un si long silence, Æla a gardé toute sa fraîcheur et son coté décalé. Voir loufoque, surtout dans la représentation visuelle du groupe, que ce soit pour leurs déguisements sur scène ou pour les vidéos dans lesquelles ils aiment beaucoup régurgiter des liquides bizarres (Your Head Is My Ground et Rolegur), ce qui n'est pas étonnant une fois que l'on sait que Æla signifie vomir. Vettlingatök possède tout de même un angle d'attaque plus complexe et travaillé, des compos au profil globalement plus long bien que des titres sous les deux minutes, voir sous la minute comme Right Now ! figurent encore au générique. Æla possède ce sens innée de l'accroche, de la ligne de basse percutante, du riff futé qui vous titille les neurones que le groupe vous emballe sous une mise en tension constante. Ils ont beau faire les malins et ne pas se prendre au sérieux, les quatre Islandais sont du genre énervé et d'une humeur sombre, voir mélancolique. Halli Valli, le chanteur extraverti, aime s'arracher les cordes vocales, la jouer urgente dans son désespoir à l'instar de morceaux brutalement poignants et intenses sans avoir l'air d'y toucher. J'ai souvent pensé aux Marseillais de Conger! Conger! dans cette approche à double-courant, cette ambiguïté entre mélodies évidentes et attaques punks anguleuses, des distorsions crépitant sous une ligne claire générale, une simplicité d'écriture révélant de nombreuses finesses, cette candeur apparente qui cache bien des failles et des mystères.
Le cap difficile du deuxième album, Æla aura mis un temps infini à le franchir. L'attente valait grandement le coup. Par contre, faudrait quand même que l'Islandais prenne un peu plus le soleil parce que la pâleur du type sur la pochette fait peur. Surtout avec une tête de cheval.

SKX (01/04/2016)