xnoybis
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Xnoybis
Trust Fall – LP
Hell Comes Home 2015


Le Xnoybis, en plus d'avoir un nom imprononçable et propice à l'erreur de retranscription, est un drôle d'oiseau qui n'avait pas donné de nouvelles depuis cinq années. Une espèce hélas rare qui est tout de même sortie de sa tanière en octobre dernier pour accompagner Pord sur les routes françaises. La date à Rennes en compagnie des Italiens de Gerda et les Rennais de Clint a été volcanique. Un grand, un beau, un énorme concert noise dans les grandes largeurs, une soirée qui faisait feu de tout bois et pas faite pour les pieds tendres. La prestation du duo Xnoybis fut remarquable. Brutal et mouvant avec ce batteur dont vous ne compreniez rien à ce qu'il faisait mais qui accaparait toute l'attention, ondoyant au-dessus des éléments de son instrument avec force, fluidité et une intense concentration.

Trust Fall est donc le troisième album de Xnoybis (sur un label basé en Irlande et tenu par l'ex-guitariste d'Iscariote et ex-Get A Life records) totalement composé en formation duo après Meanwhile, album de transition entre l'ancienne formule à trois et la continuité à deux. Benoît Courribet fait aussi bien la guitare que la basse en plus du chant. Basile Ferriot s'occupe de la batterie. Et ces deux là ensemble, s'ils ont pris leur temps pour accoucher de cet album, c'était pour mieux se trouver, pour penser leur musique, son évolution et peaufiner les moindres rouages d'une architecture toujours aussi ambitieuse et flamboyante mais qui prend de nouvelles formes. Il est amusant de noter la lente transformation de Xnoybis depuis le premier album Solace en 2006. D'un bâtiment sombre et extrêmement compact, Xnoybis a mis en place avec Trust Fall des structures plus aérées, lisibles et diversifiées sans rien perdre de sa furieuse intensité. Xnoybis ne prend plus à la gorge comme par le passé, ne cherche plus à étouffer. La tension se dilue dans les méandres de morceaux dont l'impact va grandissant au fil des écoutes dans un environnement prenant forme peu à peu mais elle est là, tapie dans l'ombre, prête à exploser. Et elle explose. Souvent. Longtemps.
Car Xnoybis n'a jamais été réputé pour sa facilité. C'est une musique exigeante, tumultueuse. Mais avec Trust Fall, elle trouve un écrin fait pour la durée, gagne en immédiateté et en efficacité malgré des morceaux dépassant les neuf minutes. A Weakness In The Ankle et Aleph sont deux énormes compositions angulaires, deux énormes mastodontes symptomatiques de ce que Xnoybis est désormais capable de produire. Alterner les contrastes, jouer avec le feu et les nerfs, s'approcher du silence dans des arpèges fantomatiques, mettre en relief l'aspect toujours torturé de leur musique, plonger dans de noirs abîmes et rendre tout ça beau et hypnotique. Le batteur cogne de partout mais ne perd jamais le fil et donne l'impression de foncer droit devant. Étrange et douce sensation. La voix passe de la longue complainte tourmentée au mode parlé sans forcer le trait, guitare et basse se mélangent dans un habile dédoublement de personne. On ne ressort pas indemne de tels morceaux.
Xnoybis, c'est aussi un instrumental qui joue la carte de l'apaisement avec À Reculons. Des sonorités inédites à rapprocher de One Lick Less, l'autre projet du batteur, croisées avec Slint et toujours cette histoire de tension sous-jacente qui fait vibrer la corde sensible. La violence de Xnoybis est moins frontale mais elle est toujours essentielle, vous broyant et rendant dingue dans des joutes incroyables d'urgence palpitante (Failed With Success ou toute la fin de Another Compromising Scheme). Xnoybis a su dépasser ses influences comme Dazzling Killmen et Playing Enemy/Great Falls pour écrire sa propre partition qui n'a plus rien à envier à personne.
Trust Fall
. Avoir confiance, tomber. Je ne sais pas ce qu'il faut comprendre par ce titre (à moins que ce soit un hommage à Bernie Bonvoisin et Mark E. Smith. Après tout, l'oiseau est retors et garde toute son aura mystérieuse). Par contre, ce que je pige très bien, c'est que ce disque est tout bonnement indispensable. Et la magnifique pochette imprimée par Arrache-Toi Un Œil avec un artwork de Jérôme Minard ne gâche pas le plaisir.

SKX (23/11/2015)