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Vitas Guerulaitis
Le Tigre – LP
Aredje/Attila Tralala/Do It Youssef/Les Ateliers Claus/Rock’n’roll Masturbation/S.K./Tandori/Whosbrain 2015

Deuxième album de Vitas Guerulaitis, Le Tigre reprend les éléments précédemment posés avec Perce Oreille, premier LP paru il y a déjà quatre ans. Un premier disque un peu bancal, très circonvolutionnaire et donc parfois un peu trop alambiqué, manquant d’immédiateté (mais ce côté bancal faisait également partie intégrante du charme de la musique du groupe). Le trio, toujours basé à Bruxelles, a donc pris son temps pour donner une suite à Perce Oreille mais on peut affirmer également qu’il n’en a pas pour autant profité pour tout révolutionner dans sa musique ; il a par contre considérablement affiné son propos et semble avoir poursuivi un seul but avec Le Tigre : gagner en lisibilité et ce pour notre plus grand plaisir.

Le Tigre garde pourtant tout le côté bouillonnant et expérimental de la musique de Vitas Guerulaitis mais le côté chanson, déjà très présent sur Perce Oreille est ici largement accentué, voire occupe la première place. C’est que tout le monde chante dans le groupe, à commencer par Ismaël Colombani, guitariste doté d’un timbre à la fois un peu nasillard et rauque, comme s’il avait une boule de poils de chat dans la gorge et Célia Jankowski, claviériste fantasque qui réussit à être exubérante et féline – là aussi, mais à sa façon bien à elle – sans pour autant tomber dans les travers des divas expé et ennuyeuses. Même David Costenaro, batteur très impressionnant en concert, s’y met parfois, en assurant des chœurs ou en poussant des cris de bête. Le bien-nommé Le Tigre est donc un album de voix et de chants, un parti-pris qui reste pourtant complètement éloigné des canons de la pop anglo-saxonne tellement à la mode et qui creuse une veine dada et drôle, absurde mais tenace dans ses formes, volontaire mais ouverte, libre mais minutieuse.

Si le foisonnement des détails qui s’entrechoquent, qui s’entrecroisent et qui se multiplient est toujours d’actualité – écoutez un peu ces jeux de complémentarité des voix –, Vitas Guerulaitis a également éliminé le superflu, je pense notamment aux quelques samples (certes drôles) et surtout aux vocalises castafiorées qui ponctuaient Perce Oreille. Le trio perd moins son temps à avoir l’air d’un groupe bizarre, décalé ou tordu mais réussit pourtant à être tout cela à la fois, avec un naturel et une énergie ludique qui manquent d’ordinaire à tous les groupes que se tâtent l’ombilic à longueur de compositions en espérant qu’il en ressortira quelque chose – évidemment ça donne rarement quoi que ce soit de bon. La musique de Vitas Guerulaitis est donc un peu à l’image de la guitare utilisée par Ismaël, un instrument qui de prime abord ressemble à un jouet précieux et à paillette, presque une guitare pour enfant rêveur, mais dont l’utilisation acérée se révèle étonnamment efficace et libre.

Il y a finalement plein de façons d’appréhender et de découvrir Le Tigre, un disque dont la richesse et les qualités se font de plus en plus évidentes au fil des écoutes et des découvertes qui en découlent. Comme semble l’indiquer l’illustration au verso de la pochette qui propose de relier un à un des nombres afin de faire apparaitre un dessin, Le Tigre se laisse apprivoiser facilement mais garde toujours quelques belles surprises en lui. Voilà un disque que j’ai envie de qualifier de joyeux – pourtant la joie en matière de musique ça me fait d’habitude royalement chier – et dont la positivité proche d’un absurde taquin est le parfait antidote à l’ennui.

Hazam (04/10/2015)