spraypaint
monofonuspress





Spray Paint
Dopers – LP
Monofonus Press 2015


Quand t'en veux plus, t'en as encore. Sauf qu'avec Spray Paint, on prend toujours avec plaisir. Six mois après le précédent album Punters On A Barge, le trio le plus prolifique à l'est et à l'ouest d'Austin sort encore un nouvel album. Le cinquième depuis 2013. Sans oublier un single. Et des tournées dans tous les sens. Et le pire (dans le meilleur), c'est que la qualité est toujours au rendez-vous. Les drogues sont bonnes au Texas.
Après le rouge et la chaleur australe de Punters On A Barge, c'est le noir opaque et inquiétant de Dopers, les vagues hostiles comme un retour à une musique plus froide et angoissante. Spray Paint, vous connaissez le refrain, c'est toujours un peu, beaucoup la même chose d'album en album. Mais ils arrivent à chaque fois par je ne sais quel miracle – ça doit s'appeler le talent – à apporter la nuance nécessaire qui fait replonger, se dire sur le coup que c'est leur meilleur album à ce jour alors qu'en fait, quand on se retourne sur leur discographie, c'est comme dans le cochon, tout est bon chez Spray Paint.
Dopers est donc un excellent cru. Le trio texan travaille au corps sa face mécanique et répétitive de leur post-punk minimaliste. Pas un coup de baguette de trop. Pas de riffs qui se répandent. Tout est calculé au millimètre pour que le malaise s'insinue. Avec cette nervosité latente pour garder l'auditeur sous tension grâce à une rythmique alerte et dynamique. Ces deux notes de guitare qui font toute la magie, répétées jusqu'à l'hypnose, ces courts déchaînements de violence, toutes tentatives de mélodies tuées dans l’œuf, le détachement du chant ne demandant qu'à s'emballer et pourtant, des morceaux (Bad Times ou Signal Master) vrillant le cerveau et le pervertissant d'effluves acérées.
Mais Dopers, ce sont également deux morceaux tournoyant autour des six minutes. Ce n'est pas une nouveauté de leur répertoire mais un fait particulier toujours à noter dans leur démarche musicale qui aime aller à l'essentiel. Surtout qu'un titre comme Chris's Theme s'accompagne d'effets (critter guitari et delay manipulation) de la part du type qui a enregistré Dopers et dont le nom est Chris Woodhouse (d'où le titre du morceau), donnant l'impression que des synthés se sont invités au bal pour une coloration originale de l'habituel univers de Spray Paint. Sur Anyone Else Want In, le trio développe un long galop de répétitivité agissant comme une houle venimeuse, un rythme tribal particulièrement prenant avec un bruit de basse sonnant comme un sonar amplifié annonçant la rencontre avec une masse rocheuse et un naufrage inéluctable dans une fin beaucoup plus bruyante que la moyenne. La désolation se répand sur le dernier titre Gravity Drainer qui n'est que drones maléfiques et nappes sonores de fin de vie. Spray Paint fait du Spray Paint mais s'autorise des expériences nouvelles, fait du vieux qui à l'air toujours neuf, n'a pas son pareil pour torcher des compos sans cesse pertinentes et au final n'y voir que du feu comme si c'était la première fois.

SKX (12/12/2015)