scaphe
insidesmusic


Scaphe
Long Way Down – LP
Insides Music 2014
s/t 7''
Insides Music 2013
Forking Paths – LP
Insides Music 2011



Scaphe est un groupe de Minneapolis pas franchement connu malgré une bonne poignée de disques à son actif mais ça ne nous fait pas peur. Comme ne nous fait pas peur leur musique. Leurs disques ne seront pas les disques de tout le monde parce que c'est du brutal et du bizarre. Je suis même surpris parfois d'aimer ça, je ne l'explique pas ou alors qu'à moitié, le reste étant un mystère attirant comme un puits sans fond, un truc personnel qui te chope par le bide et te donne un regard étrange. Petite revue discographique.
Forking Paths est le nom de leur premier album paru en 2011. Et s'il ne fallait qu'un nom pour situer ce trio, c'est Man Is The Bastard. Une mélange de complexité féroce et détraquée et d'un hardcore plus direct. Et dans le domaine, Scaphe est capable de mettre le paquet. L'alliage de deux basses (avec une guitare qui sort aussi de son étui) et d'une batterie, ce n'est pas fait pour la paix des ménages et ça fout un bordel sans nom. On mettra un gros bémol sur le chant quand il se met en mode guttural de la mort comme s'il semblait passer à la mauvaise vitesse, comme si il était en 33 tours alors que la musique derrière tourne en 45. Ce qui est d'ailleurs vrai puisque ce disque s'écoute en 45 tours. Avec tous les titres s’enchaînant, donnant l'impression d'un immense bloc de béton tombant en accéléré sur votre corps pétrifié et qui ne n'a plus qu'à prier. C'est lourd, dense, sauvage, avec des morceaux de trente secondes, des morceaux instrumentaux lorgnant sur l'expérimental et le bruitiste mais aussi un morceau final de neuf minutes et quelques. Yeo est son petit nom et c'est un vent violent à multiples vitesses vous rouant de coup. Plein la gueule pour pas cher. Scaphe, c'est usant mais intéressant.









En 2013, Scaphe revient avec un single trois titres. Le hors d’œuvre se nomme I (Me) et moi je est une tornade de cinq minutes qui aurait de faux-airs de Dazzling Killmen, un hardcore progressif, progressif n'étant pas toujours un gros mot. Une rythmique en acier qui tourne et qui tourne à rendre marteau et les notes d'une basse tombant tranquillement en décalage et ressemblant à des coups de cloches avant qu'une guitare finisse en vrille. Scaphe a d'un coup d'un seul sacrément relevé le niveau. Sur l'autre face, The Boats est une pure décharge d'adrénaline de vingt-cinq secondes alors que Zamboni Driver est un instrumental se construisant à nouveau sur une rythmique inamovible d'une basse assénant implacablement ses notes répétitives alors que la guitare tire des riffs longs et légèrement flippant.







Sur la foi de ce single, le dernier album en date réalisé en toute fin d'année 2014 avait de quoi être alléchant. Et alléchant il est. Tout en continuant à n'en faire qu'à leur tête. Scaphe n'est pas du genre conservateur et à pratiquer un hardcore sclérosé. Les dogmes, Scaphe les fait valdinguer, les piétine, les brûle pour mieux les reconstituer dans un grand fatras de rythmiques infernales et tendues qui déflorent grave, plus de guitares sifflantes, de bruitages, d'expérimentations tordues, jusqu'à présenter un titre (Long Way Down & I Can't Wake Up) très mélodique, excellent et ressemblant à du Hüsker Dü au moment où on l'attendait le moins. Pour le reste, Scaphe mélange Dazzling Killmen et Man Is The Bastard, hardcore tordu et brutalité tumultueuse, instrumentaux invoquant les affres du démon (You Came Searching) et ballade acoustique déphasée (Salt Of The Earth) à prendre au second degré qui se fait aussitôt prendre grave par derrière avec les trente-cinq secondes de If These Walls Weren't Green. Sans oublier les six minutes du très lourd Offices à faire passer les Melvins pour une aimable plaisanterie qui aurait dû prendre leur retraite depuis longtemps. L'acoustique, Scaphe la ressortira tout de même sur Honeycomb ou sur le long instrumental final étrange (The Same Is The Way), ultime preuve que le hardcore de ce trio est capable d'aller dans toutes les directions à l'image d'un Neurosis, mariant des sonorités et des ambiances opposées dans un même morceau et se permettant toutes les folies. C'est parfois tangent, on se demande où ils vont, la réussite n'est pas toujours au rendez-vous mais pris dans son ensemble, Long Way Down est cohérent, surprenant et apporte une touche vivifiante au hardcore souvent trop coincé dans ses schémas poussiéreux. Et surtout, ça défonce.

SKX (19/09/2015)