pneu
head


Pneu
Destination Qualité – CD
Head 2015

Bon, va bien falloir se lancer dans la chronique du Pneu sinon, comme disait le philosophe Ribéry, la routourne va vite tourner. Et pas dans le bon sens. Le comble pour un groupe de Tours. Le duo math-noise ravageur revient avec son troisième album et trois ans de silence après Highway To Health. Destination Qualité, un titre d'album qu'il ne faut certes pas prendre au pied de la lettre mais qui tend tout de même le bâton pour se faire battre. Et par extension, met ce maudit bâton dans les roues, ce qui est très mal approprié quand on s'appelle Pneu.
Destination Qualité ne provoque pourtant pas de sortie de route de Pneu mais entre un Pneu de routine et un Pneu s'aventurant sur des routes inhabituelles, Pneu semble pris entre deux voies et menace d'éclatement.
Vous avez donc le Pneu en orbite sur autoroute, pilotage automatique, régulateur de vitesse bloqué à maximum, soubresauts multiples, virages pris à 200 à l'heure les yeux fermés, comme sur les trois premiers titres qui jettent le Pneu dans le grand vide. La conduite est connue et elle est encore plus violente et saccageuse que d'habitude. A tel point que c'est vain et que ça laisse ma libido à zéro. J'ai beau les passer et re-repasser, rien, point mort de l'émotion, aussi virile fut-elle. Avec en plus de nouvelles sonorités s'ajoutant à la sauvage mixture guitare-batterie qu'on va attribuer dans le doute à un synthé fou pour un syndrome crispant noise nintendo comme sur Temple Machine et Futur Plus Tard, titre qui possédait pourtant un certaine folie que les autres non pas.
Vous avez donc aussi le Pneu à l'échappement neuf, celui qui se hasarde sur des compositions plus expérimentales. Pneu arrête de taper sur tout ce qui bouge et même sur ce qui ne bouge pas, s'essaye à souffler dans une pauvre flûte en faisant la misère de leur professeur sur The Biggest, The Ankle alors que sur Astronomism, tout n'est pas à jeter mais on sent que leur passage dans Binidu n'a pas fait que du bien et on se demande bien où Pneu veut en venir lors de six minutes et quelques que j'aurais bien réduit à deux.
Mais le titre le plus surprenant reste Gin Tonique Abordable (Pneu prouve une nouvelle fois que donner un nom à ces morceaux reste un exercice de haute voltige dans le monde aphone des groupes instrumentaux avec également au générique Pyramide Banane Chocolat et Catadioptre Ambidextre) avec une durée fort inhabituelle puisque c'est dix minutes qui vous contemplent. Et bizarrement, ça passe plutôt bien. Après six minutes très répétitives d'un titre qui ne semble jamais vouloir décoller, Pneu passe la deuxième, la caisse claire est maltraitée, Pneu accélère à nouveau et fait preuve d'un certain panache dans un morceau qui n'était pas gagné d'avance. Reste Hinges, morceau où les invités sont rois : Joe Goldring et Pete Simonelli d'Enablers respectivement à la guitare et au chant ainsi que Dana Schechter à la basse, une ex-Bee and Flower et actuellement dans son projet solo Insect Ark mais parfois rejoint sur scène par Simonelli qui partage également sa vie. Et là, c'est l'éclate totale. Pneu prend de la profondeur, de l'épaisseur et envoie du gros grain dans des convulsions sur coussin d'air. La violence prend enfin corps.
Le résultat final de la course est un Pneu qui cherche sa route, s'essaye à de nouvelles directions quand les anciennes semblent mener à une impasse. A défaut de qualité, la future destination montre surtout qu'elle est encore loin d'être atteinte.

SKX (12/02/2015)