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Old Man Gloom
The Ape of God I – LP
The Ape of God II – LP
Sige 2014


J'avoue avoir décrocher de Old Man Gloom depuis très longtemps. Depuis exactement leur troisième album Seminar II : The Holy Rites of Primitivism Regressionism en 2001. Et ne jamais avoir été assidu puisque déjà leurs deux disques précédents n'ont laissé aucun souvenir et les deux suivants (Christmas et Christmas I & II + 6 +Live in NYC) me sont totalement inconnus. Très mauvais élève. A tel point que la réactivation du projet OMG en 2012 avec l'album No après sept années de silence m'est complètement passé inaperçu. Autant dire que The Ape of God m'est franchement tombé dessus par hasard. Et que je m'attendais encore moins à apprécier cette nouvelle et dense production.
Les jérémiades d'Aaron Turner avec son metal édulcoré et ses roucoulades shoegaze sur les deux derniers albums d'Isis avait fini par m'achever. Je pensais stupidement que ce type était devenu irrécupérable et qu'il n'était plus capable d'autant de violence. Mais Old Man Gloom ne se résume pas qu'à Turner. Nate Newton (Converge), Caleb Scofield (Cave In) et Santos Montano (Zozobra) à la batterie. La réunion des quatre provoque une alchimie dantesque. Je ne sais donc vraiment pas ce qu'a pu donner OMG dans le passé mais l'âge n'a pas de prise sur leur désir de tout saccager.
The Ape of God se compose de deux disques séparés. The Ape of God I avec huit titres. The Ape of God II avec quatre titres. Deux disques indissociables dans deux pochettes et inserts différents. Aurait très bien pu être publié comme un double album normal mais Old Man Gloom aime brouiller les pistes. Comme par exemple envoyer des exemplaires promo à la presse qui étaient très loin de refléter la version finale, les quatre OMG se gaussant par la suite des chroniques et commentaires forcément à coté de la plaque (autant dire qu'ici chez P&F, tout ça nous a largement passé au-dessus de la tête). Old Man Gloom continue d'ailleurs le foutage de gueule et les sarcasmes en pratiquant l'auto-dérision avec les stickers posés sur le plastique de The Ape of God censés habituellement vanter les mérites du groupe et provoquer l'impulsion de l'achat : «Slower, more boring than the other The Ape of God», «How about a new Old Mans Child album» signé Metal Sucks forum ou «This sounds like shit» signé par un certain Facebook. On sait s'amuser chez Old Man Gloom.
Pour le reste, c'est à dire l'essentiel, la musique de OMG ne donne pas envie de rigoler. The Ape of God I est une immense plongée dans les méandres torturés d'un metal/hardcore expérimental, entre le tranchant d'un Neurosis quand il va droit au but, évoquant donc aussi le tout début d'Isis époque Celestial et les affres de triturations sonores prenant possession de l'usine à gros riffs et rythmiques surpuissantes, s'infiltrant dans chaque recoin pour épaissir et troubler le propos, accentuant le malsain de l'ensemble dans une esthétique sonore qui aime les grésillements et la saleté plutôt que la chirurgie froide d'une production trop léchée.
Dès le riff introductif über efficace de Eden's Gates, OMG envoie du très lourd sans jamais céder à la facilité. La juxtaposition ancienne entre morceaux brutaux et plages ambiantes n'a plus cours. Tout est mélangé, fondu dans la chair, tornade de sifflements maléfiques sous la bastonnade rythmique, riffage intensif appuyé par des nappes sonores grouillantes. Et quand bien même, les riffs cessent et les machines sont maîtres, Old Man Gloom continue de dresser une sombre tension et mettre mal à l'aise comme la fin de Shoulder Meat enchaînant royalement avec la violence de Fist of Fury. Idem avec The Lash dont le début n'est qu'une longue plage bruitiste se terminant dans les tourments d'un incendie explosif et se poursuivant avec le condensé et animal Never Enter.
Véritable tour de force donnant envie de voir de quoi il retourne sur No, fulgurances cinglantes et sauvagerie qui prend aux tripes dans un maelstrom de sonorités qui ne cherchent pas à caresser dans le sens du poil.













The Ape of God II débute par un long ultra-son confirmant une tendance selon laquelle ce Old Man Gloom là cherche la confrontation. La plongée en abîme est encore plus profonde. La durée des morceaux tapent par trois fois au delà des douze minutes. L'agression constante de OMG s'installe dans le temps, prend des chemins encore plus sinueux et machiavéliques pour venir à bout des résistances, soupèse sa proie pour la broyer peu à peu sous un déluge épique d'une houle sonore vous asphyxiant tout en vous libérant de pulsions mauvaises. Car de cette noirceur poisseuse subsiste comme une beauté farouche, le noir se fissure dans une ouverture vers quelquechose de plus grand, transporte et magnifie là où The Ape of God I était plus volontairement frontal. Mention spéciale au troisième morceau, A Hideous Nightmare Lies Upon The World, et cette flambée contrôlée entre une rythmique terrible de lourdeur, les riffs écrasants, les samples hallucinés et ce long cheminement finissant vers un cri rédempteur.
Aaron Turner n'a jamais caché son amour pour Neurosis mais là, il réussit à sublimer ses influences et propose avec Old Man Gloom un cauchemar audacieux, un télescopage déchaîné de sonorités exaltantes, un défouloir inspiré, sauvage et grandiose. Il n'est jamais trop tard pour reprendre le train en route. The Ape of God en vaut largement le détour.

SKX (17/01/2015)