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Father Murphy
Croce – LP
The Flenser 2015
Lamentations – 10''
Backwards - 2015

Au nom du père, que le nom de Father Murphy soit sanctifier parmi tous les pauvres pêcheurs de ce bas monde car il faudra des citerne d'eau bénite pour récupérer l'âme damné du duo italien. Et un peu de brosse à chiendent. Si, dans la perle de rosée de l'éternel matin, un doux frémissement d'espoir renaît, Father Murphy va vite le doucher. A l'acide avec un gros voile de ténèbres pour masquer les odeurs.
Les Italiens aiment les croix, aiment les arbres aussi (surtout en forme de croix) et Croce est le deuxième volet de leur Trilogy of The Cross. Vous la sentez la grosse marrade à venir ?
Le chemin de croix a pourtant une nouvelle fois des airs de réjouissances païennes, une profonde lame de fond qui vous retourne les croyances. Parce que franchement, cette musique glace les sangs, ressemble à une longue marche mortuaire en plus de plomber grave l'ambiance et il apparaîtrait donc assez logique de fuir ce disque comme la peste noire. Mais il est écrit que Father Murphy possède les tables de la loi sacrée pour vous embaumer ni vu ni connu de leur parfum morbide emprunt de religiosité. Une putain de performance, croyez-moi. Father Murphy utilise les symboles de la religion pour en faire une parabole, toucher la colère des Dieux enfouie au fond de ton être comme ils disent et construire des cathédrales épurées de sonorités vertigineuses et ensorcelantes.
Dans la continuité de leur précédent album Anyway, Your Children Will Deny It, Croce affirme le potentiel totalement unique et tragiquement prenant de Father Murphy. Un trio passé duo avec la démission de Vittorio De Marin pour aller vers encore plus de dépouillement, de textures traversées de silences pesants comme un cri au milieu d'un enterrement, d'une trompette agonisante, d'éclats noisy, de grouillements inquiétants, de synthés cérémonieux, de (boite à) rythmiques quasi absentes sauf au détour de A Purpose, d'accords de guitares déchirants et d'orgue sur They Won't Hurt You finissant d'achever tous espoirs de rédemption. Tu crèveras seul, chacun pour soi.
De sa voix voix mi-ange mi-démon, Chiara Lee invoque le dramatique et quand le Révérend Murphy se met à faire les chœurs (et inversement), c'est vers une théâtralité appuyée que le duo nous embarque, dans cet excès de dramaturgie qui en fait aussi toute la force et la beauté. Le temps de So This Is Permanent, Father Murphy invoque Pain Teens. Nurse With Wound et Coil peuvent également avoir le droit d'être citer mais avec Croce, Father Murphy se dirige vers une musique qui tient de la performance, quittant le monde des vivants pour s'élever dans les antres des musiques dérangeantes et éminemment personnelles. Quelques longueurs sont bien à noter ici et là mais Croce est la confirmation que Father Murphy n'est pas de ce monde et diaboliquement intéressant.




Father Murphy clôture la Trilogy of The Cross avec le 10'' Lamentations. Deux titres pour une mise en bière ou pour une renaissance, je ne sais plus trop, tant la mort et les promesses d'un renouveau se côtoient au sein de Mercy And Truth et Lamentations. Ombre et lumière, déchéance et sublime, Father Murphy manie le fouet et la caresse, enchantant au final en mettant tout son sens du théâtral dans deux longues pièces sobrement majestueuses. Arrangements tout en finesse, puissance évocatrice. Cuivre lent et poignant sur Mercy And Truth dans le style sonnerie aux morts revisitée avec la voix angélique de Chiara Lee vous accueillant dans un drôle de paradis. Rythme lancinant et répétitif d'un truc ressemblant à un accordéon avec en point d'orgue, des chants déchirants et à l'unisson qui collent le frisson sur Lamentations avant que ne débarque un gros bourdonnement. Father Murphy ne touche plus terre tout en restant aride et sauvage.
Ce n'est pas de la musique de fête foraine. C'est une cérémonie aussi lugubre que belle, austère et riche, un conte ésotérique qui a le don de me parler clairement. Amen.

SKX (26/10/2015)