deathengine
throatruiner

apocaplexy

Death Engine
Mud – LP
Throatruiner/Apocaplexy 2015


Mud comme dans I Have Mud In My Hands, I Have Cement In The Eyes, sous-titre du premier album de Death Engine ou avertissement déguisé de ce qui nous attend. Une chape de noirceur s'abattant sur nos épaules fatiguées, l’aveuglement des masses, les deux pieds dans la merde empêchant tout espoir, la démission plus fort que l'action, la fête nationale en slip au balcon. Et un énorme cri de frustration pour sortir de la cage. Après un impressionnant premier court enregistrement, les Lorientais remettent une couche dans un long format qui n'est que course poursuite effrénée ne pouvant que finir dans le mur. En cela, Mud est impressionnant.
Une longue décharge d'adrénaline, un sens du lyrisme abrupt confinant à la folie, guitares massives, batterie et basses massives, tout arrive à la tronche comme une coulée de lave supersonique et imposante, pas moyen d'y réchapper. Death Engine a beau essayer de glisser un peu de guitare acoustique sur Organs ou de la jouer douce et plus respirable sur la courte ballade Zero, Mud est du hardcore-noise frénétique, poignant, qui attaque à la gorge et ne la lâche plus, ne cherchant pas à faire compliquer mais à répéter inlassablement les coups, matraquer jusqu'à la l'étranglement, rajouter et noyer des couches de synthés par dessous les épaisses strates de guitares grésillantes, enchaîner les morceaux comme si cela ne faisait qu'un unique bloc de parpaing, par exemple entre la fin de Still donnant l'impression que le vinyle saute pour repartir dans la seconde suivante sur Entertain à un rythme encore plus dingue et bouillonnant. Et que dire de l'apothéose Negative, maelstrom nihiliste de bruits et de fureur finissant sur un méchant locked groove, un sillon en mode bloqué qui aurait dû déboucher sur un morceau caché. Mais l'usine de pressage ne l'a pas entendu de cette oreille et a carrément oublié de le mettre. D'où la présence d'un single en plus, gravé que d'un seul coté avec une compo différente qui ressemble à une reprise d'un truc cold-wave mais qui est juste le témoignage que les influences et le champ d'action de Death Engine peuvent se montrer large. Et qui fait dire que les qualités de cet album sont aussi ses limites.
Mud est un exutoire très jouissif mais c'est avant tout une histoire d'ambiances et de textures sonores (parfaitement mises en valeur et éclairées par Amaury Sauvé et Sylvain Biguet au mixage) au détriment de la qualité intrinsèque des morceaux, des titres qui se détachent et prennent corps dans une plus grande personnalité. Death Engine privilégie le cri primaire, foncer dans le tas et se vider les tripes, à l'instar de la fin de concert en première partie de Godflesh le 18 avril dernier quand le chanteur-guitariste a envoyé batterie et batteur dans le décor car la tension était à son comble. L'efficacité immédiate est redoutable mais risque de lasser un peu trop vite. Sur Amen, on sentait Death Engine capable d'expérimenter un peu plus, d'apporter un courant d'air frais et des idées à un style musical qui en a déjà vu passer beaucoup d'autres mais Mud reste quelque peu trop engluer dans sa violence. Mais ne faisons pas la fine bouche. Pour un premier album, c'est déjà énorme.

SKX (08/05/2015)