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Cannibales & Vahinés
Songs For A Free Body – CD
Mr. Morezon 2015


Quand un groupe place la barre si haute dès son premier album, il est à redouter que le second va nous faire redescendre de notre nuage. Heureusement, un single au printemps dernier montrait que Cannibales & Vahinés n'avait rien perdu de sa splendeur et Songs For A Free Body confirme qu'ils vont être encore source de bonheur.
La base reste identique. Le saxophone baryton de Marc Démereau qui manipule aussi une scie musicale et brouille les ondes avec des fritures électroniques. La guitare turbulente de Nicolas Lafourest. La dextérité du batteur Fabien Duscombs. Et la force intérieure du chant de G.W. Sok. Mélange unique et toujours captivant, Songs For A Free Body pousse encore plus loin le bouchon du bouillonnement free électrisé par une nervosité patente là où le précédent était plus contrasté. Surplus de frénésie, de tension montant au fil des morceaux jusqu'à l'explosion ou en suspension sur un fil électrique, d'un crépitement gagnant en ampleur sous la pulsion de rythmes trépidants, de soufflantes généreuses dans le saxo et des échardes d'une guitare à la sonorité fine et coupante, de bourrasques continuelles, de fougue qui emporte tout sur son passage. Le jazz et le rock de Cannibales & Vahinés est plus free que jamais tout en restant mélodique, ouvert et sensible. Et pas dénué d'un swing frétillant, d'une légèreté qui se fredonne, d'arpèges mélancoliques et de suaves lignes de saxo. Osmose jubilatoire. Plénitude des sens.
Ça donne à l'arrivée des titres fabuleux comme Old Oak Tree au tempo plus mesuré, une lente et longue vague qui vous enveloppe et finit de littéralement vous hypnotiser quand descendent de nulle part au bout de cinq minutes et quelques ces magnifiques accords glissants d'une guitare divinement transportée. Même délicieuse punition avec les sept minutes de Murder Poets dont Léo Ferré continue d'inspirer G.W. Sok pour les paroles. A l'instar d'autres compositions de Songs For A Free Body, Murder Poets commence dans le calme, installe son thème avant de peu à peu s'emballer, ode à l'extase, aux instruments qui s'entrechoquent, se croisent, aux lignes mélodiques qui installent leurs piquants, à un emballement général soulevant de toutes les lourdeurs terrestres. Dans le domaine du poignant, Goghsuckers participe également à ce mouvement général donnant l'impression de vous embarquer dans un tourbillon sans fin tout en déclenchant un long frisson le long de l'épine dorsale. Mirror Man présent sur le précédent single est repris dans une version plus longue de trente secondes sans que la différence saute aux oreilles alors que Zavod est une reprise du ballet The Secret Of Machines par le russe Alexander Mosolov sur des paroles empruntées à Rudyard Kipling. Cannibales & Vahinés aime emprunter et réinterpréter des musiques apparemment loin de leur univers. C'est surtout le signe d'une grande richesse musicale, d'une inventivité constante et la preuve d'un groupe sans étiquette, libre de leurs mouvements et sans limite pour leur créativité débridée. Cet album est une merveille et Cannibales & Vahinés continue de planer très haut au-dessus de la mêlée. Alors si ce groupe vous ne l'aimez pas, go fuck a duck.

SKX (21/10/2015)