riskrelay
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Risk Relay
Low Frequency Listener - CD
Ernest Jenning 2003
Curses Sing - CD
Ernest Jenning 2007
After Fake End Times - CD
Ernest Jenning 2013

C'est plus qu'un train de retard mais un véritable convoi. Un peu plus de dix années d'existence et le bruit de Risk Relay n'arrive que maintenant. Comme la lumière voyage plus vite que le son, on aurait dû être éclairé par ce groupe depuis longtemps. C'est donc à n'y rien comprendre mais des groupes comme Risk Relay, des groupes qui ne se soucient pas de leur diffusion et leur popularité, jouant uniquement pour l'amour de la musique, il en existe des tonnes. Risk Relay est un magnifique exemple. Ce qui ne va pas nous empêcher de leur mettre un coup de projecteur dans la tronche et tant qu'à faire, rattraper le retard et passer en revue leurs trois albums à ce jour (sortis par Ernest Jenning, le label qui nous avait déjà donné le split entre Action Beat et GW Sok) en attendant un nouveau disque prévu pour l'année prochaine.



Risk Relay est un groupe indie-noise, au même titre que Unwound ou Pitchblende, un groupe à guitares construisant des merveilles de mélodies électrisantes. Sur le premier album Low Frequency Listener, ce groupe se partageant entre la province canadienne du New Brunswick et le New Jersey balancent huit morceaux courts, racés, tout en nerf et en urgence. On en serait presque à évoquer les Hot Snakes, aussi bien pour le chant que pour la simplicité à frapper dans le ventre du rock'n'roll sans les poches d'amour qui vont autour. La brochette d'ouverture – C is for Conspire, D is for desire, The Terror of Closet Patriots et The Hub City – est à ce titre redoutable d'efficacité. Les deux guitares font un boulot d'orfèvres, le chant est prenant et la section rythmique est d'une vélocité à toutes épreuves. Tout le reste de l'album coule de source, aucune baisse de qualitatif, à fond mais avec discernement. Risk Relay commençait admirablement bien dans la vie. Mais tout le monde s'en foutait.





Avec le deuxième album Curses Sing, Steve Bumgarner (basse) abandonnait ses camarades et laissait Ed Dailey (guitare/chant), Mark Weinber (guitare) et Brian Buccellato (batterie) en mode trio. Ce qui n'empêchait pas Risk Relay de retrouver tout l'allant de Low Frequency Listener et ce sens inné de l'urgence domptée du bout de deux guitares chevaleresques, magnifiquement inspirées et développant un jeu encore plus abouti. The Last Refuge of a Scoundrel, le génial Dirge, Six Days, les morceaux possèdent plusieurs couches de tension, l'architecture se fait plus ambitieuse tout en restant limpide, l'écriture meilleure que jamais. Unwound n'a qu'à bien se tenir. Risk Relay tente également de varier les ambiances en invitant une chanteuse (Laura Cervino) pour des chœurs sur Evelyn Nesbit et Matt Keys, un type avec un nom parfait pour jouer du synthé (très discret) sur My Dark Turn of Mind. Entre deux perles, Risk Relay ralentit la cadence sur le très beau et mélancolique instrumental Curses Sing et Here Lies tout en délicates cordes ou rallonge le tir pour les cinq minutes de The Fault Line of Communication qui tente de compliquer l'affaire, donnant sans le savoir une piste de ce que sera le futur de Risk Relay. En attendant, Curses Sing est encore plus admirable que son prédécesseur. Mais tout le monde s'en foutait.








On continue de remonter la dure échelle du temps avec le dernier album en date, After Fake End Times. Steve Bumgarner réintègre le groupe. Après six ans de silence, Risk Relay, sans renier son passé, part sur de nouvelles bases. Les deux guitares restent centrales dans la genèse du groupe. Plus que jamais. Cinq morceaux (sur les neuf) autour des six minutes. Mid-tempo omniprésent, tension sous-jacente et donc deux guitares plus bavardes, développant des trésors d'harmonies et de dissonances pour nous hypnotiser, nous emberlificoter l'esprit dans les méandres de structures plus complexes de prime abord mais gardant une certaine fluidité en bout de course. Risk Relay perd en urgence mais gagne en beauté sombre et en profondeur. On ne rentre pas immédiatement dans After Fake End Times comme dans les deux albums précédents. Les titres sont moins évidents, moins enjôleurs. Mais dès les premiers accords de Near Sight, on sent que le voyage plus intimiste va finir par faire des ravages et qu'on y retournera plus que de raison. De Darker, morceau en sables mouvants à The Trace of the Zero (Hex Chase) qui emmène sur l'orbite de la lévitation, de la subtile montée mélodique d'Avery au final The Judge en forme d'apothéose enlevée et irrésistible, Risk Relay dessine un album en faux-semblants où les compos s’enchaînent dans un mouvement identique, créant un ensemble cohérent fait de multiples détails et d'éclats dramatiques. After Fake End Times, bien que différent, est autant admirable que ces deux prédécesseurs. Vous n'avez désormais plus d'excuses pour ignorer ce groupe.

SKX (07/11/2014)