drivewithadeadgirl

Drive With A Dead Girl
Alma Ata II - LP
Self-released 2013

L'univers de Drive With A Dead Girl commence à être bien appréhendé. Septième album en autant d'années (je n'ai jamais entendu les quatre premiers, disponible pourtant sur leur bandcamp), paysage noise et cold entre Sonic Youth, Cocteaux Twins et The Cure, guitares flanger à mort mais jamais Drive With A Dead Girl n'a aussi bien sonné. Et surtout aussi bien composé. Qualité exponentielle, courbe de visibilité progressive, part de marché relative croissante, conquête de segments à fort potentiel, la petite entreprise Drive With A Dead Girl se porte à merveille.
L'équilibre précaire a trouvé son point d'ancrage et les quatre Lillois défient les lois de l'apesanteur. Le son n'a pas gagné en ampleur mais c'est devenu leur marque de fabrique, une force soulignant des compositions sur le fil du rasoir et décharnées, compos qui elles, par contre, ont pris de la cuisse et du nerf. Seulement six morceaux mais Drive With A Dead Girl prend le temps du développement, à l'instar des dix-sept minutes de Fabulous Tank. Un groupe normal aurait au moins taillé trois morceaux mais DWADG préfère l'alchimie savante, les digressions embarquant dans des contrées brumeuses et incertaines pour mieux faire flipper, perdre l'auditeur pour mieux le récupérer. En lambeaux. Les mélodies sont fragiles, évidentes, poignantes, des pics à glace plantés dans le dos. Le chant colle le frisson comme sur le début de Clémentine, langue mystérieuse et chant bulgare en pays Ch'ti ou réminiscence du timbre vocale de Bjork. Dissonances et stridences, guitares bizarrement accordées et en pointillés, rythmique atrophiée, basse mélodique et obsédante sur Deseado, DWADG passe maître dans l'art du faux-fuyant, du non-dit, de l'espace dans les structures qui met autant mal à l'aise qu'il envoûte, du beau qui fait froid dans le dos. Avec au milieu, un morceau atypique et presque entraînant, le très réussi Russian Bongo Story, montrant au passage que les Lillois n'ont pas encore montré toute l'étendue d'un talent qui prend tout son temps pour se révéler. Leur concert du 27 février dernier à Rennes, dans la cave de La Lanterne, a également montré les progrès du groupe pour un concert aussi hypnotique que leur album. Tu ne sais plus trop où tu habites après ça. La rêverie a été sombre, troublante, froidement splendide, évocatrice de plein d'images dérangeantes et tu sais que tu vas forcément y revenir régulièrement. Un puits noir sans fond pour un groupe singulier qui accouche enfin d'un album référence.

SKX (01/03/2014)



DWADG @ La Lanterne, Rennes, 27/02/2014