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tandori





Berline0.33
The Abyss Will Gaze Back – LP
Et Mon Cul C'est Du Tofu ?, Katatak, Rejuvenation, Tandori, Bruisson 2014

Deuxième album pour Berline0.33 dont le titre nous promet l'abîme vous regardant de son œil noir et impénétrable. Un bout d'aphorisme emprunté à Nietzsche et collé sur une pochette mi-onirique mi-troublante, façon de dire qu'à force de pénétrer dans The Abyss Will Gaze Back, c'est ce disque qui finira par pénétrer en toi (If you gaze long into an abyss, the abyss will gaze back into you). Lui et son âme damné. Parce que la musique de Berline0.33 n'est pas qu'une succession de lignes de basse dantesques et de morceaux plus corrosifs et addictifs les uns que les autres, c'est avant tout un bout de chair vivant et tremblant, douloureux, ténébreux, accrochant le fond du bide car rempli de failles, d'éruptions bouillonnantes, de petites lames, de crocs invisibles et d'histoires qui vous parlent.
The Abyss Will Gaze Back n'est donc pas très différent de son prédécesseur Planned Obsolescence. Rythmique imposante et intouchable, chant féminin virulent perturbé, transformé par des effets que les motifs de guitare tour à tour brumeux ou incisifs lui rendent bien, complémentaires dans le trouble et le malaise. Tout juste peut-on noter que l'équilibre entre tous ces instruments est encore mieux établi et que les Lillois ont franchi un nouveau seuil dans la noirceur d'ensemble du propos. Abysse, toujours plus d'abysse. Surtout, Berline0.33 continue de régner en maître dans l'écriture impeccable et largement au-dessus de la moyenne laborieuse. Huit titres, huit bombes. Chacun leur personnalité, leur force et leur aura. Et ce n'est pas le moindre des exploits d'accoucher pour la deuxième fois consécutive de morceaux aussi bons. Ça ne s'appelle pas le hasard mais le talent. En cela, la triplette d'ouverture – Solar Striker, 1st Floor et Castle in the Air – est largement gagnante. Rythmiques martiales, basse répétitive et hypnotisante de Solar Striker renvoyant à l'autre morceau long et obsédant de l'album (Whispers of Seagulls, un hommage à Cantona ?), multiples accroches qui ne font plus rien dans la facilité, l'impression de s'enfoncer dans des couches de tension insondables sans jamais quitter la lumière des yeux jusqu'à finir par un Teorema presque apaisant. Berline0.33 s'acquitte des influences post-punk et tout ce que vous voulez pour créer son propre royaume qui n'est pas un trou sans fond impersonnel, un abysse impénétrable mais un groupe bien réel et généreux, confirmant et même un peu plus tout le bien qu'on pensait d'eux. Grandiose, une nouvelle fois.

SKX (12/05/2014)