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Judas
Donneger
Des Millions Qui Y Sont Encore - LP
Label Brique/Et Mon Cul C'est Du Tofu?/Attila Tralala/Gabuasso/ Animal Biscuit
2013
En ce vendredi
19 avril à Rennes, le duo désopilant Judas Donneger se produit
au bar de La Bascule, en compagnie d'un autre duo comique, les strasbourgeois
de Télédetente 666. L'achat plus tard du vinyle à
une table de merchandising désertée permet de faire une
pierre deux coups tant l'écoute du premier album de Judas Donneger
est intimement liée avec les images et les sensations du concert.
Et ces sensations foutent mal à l'aise. Mais j'aime ça.
On en connait des groupes ne cherchant pas à brosser dans le sens
du poil. Judas Donneger fait partie de cette race là mais en plus
de montrer la crasse sous le tapis, il maintient le nez dans le vomi.
Avec autant de plaisir que de fatalité. L'obsession de la mort,
la décomposition, le faisandé, voilà les pensées
guillerettes qui m'ont accompagnées pendant tout le concert et
qui se prolongent sur Des Millions Qui Y Sont Encore. Dans une
fosse commune, une prison, des hôpitaux, au fond du trou ou d'une
vie sans fond, des oppressés ou des zombies, le mystère
de ce titre est libre d'interprétation mais cette obsession est
bien réelle. Elle suinte à chaque parole et les mots sont
crus, font froid dans le dos, ne se comprennent pas mais sont d'une extrême
puissance évocatrice. Des mots qu'on ne distinguait hélas
pas suffisamment pendant le concert mais qui sur disque résonnent
d'un écho profondément lugubre, jus noirâtre et purulent,
retour impossible, passe moi le fusil qu'on en finisse tout de suite.
Ils ne cherchent qu'à rentrer dans sa tête.
Un split single
avec Les Suce Pendus nous avait pourtant prévenu. Ca rigolait jaune.
Sur la longueur d'un album, c'est diaboliquement malsain. La mise en bière
se fait sous le joug d'une boite à rythmes fatiguée, d'un
synthétiseur perclus de fils dans tous les sens, de touches tordues
et tirant des sonorités flippantes, d'une guitare allongée
sur une table et frappée comme une batterie à l'agonie.
Et quand les deux protagonistes échangent les rôles, que
Klaus Legal, alias Pavel, ex-guitariste de Death To Pigs, joue de la guitare
debout et que le narrateur en chef, Dominou, ex-Suce
Pendus, triture le synthé, la lumière du jour parait
toujours aussi lointaine. Entre un type torse nu n'ayant aucune notion
d'amour propre et t'enfonçant le terme glamour au plus profond
de ton fondement et un autre à qui tu donnerais volontiers la pièce
si tu le croisais à la sortie d'un supermarché, Judas Donneger
ne fait qu'un avec sa musique de détraqués.
Vieille friche industrielle traversée par un vent glacial, décrépitude
déclinant son dernier râle dans une gerbe de bruits blancs,
recherche de nouveaux sons, expérimentations pour ne pas rester
bloquer sur des influences d'un siècle passé, grincements,
crissements, râles, bandes à l'envers, cris déchirants
et déclamation unique, Judas Donneger vient de créer un
espace aussi attirant qu'un trou noir ou une salle des fêtes en
Picardie un lundi soir, un objet non identifiée fort et qui pue,
un engrenage infernal se nourrissant de son propre nihilisme et auquel
tu ne peux pas, tu ne veux pas échapper. Pardonnez moi quelquechose
que je ne comprends pas moi-même. A se demander si Judas Donneger
a conscience du monstre qu'il vient d'enfanter. Ce disque comme le concert
interpellent. La marque assurément d'un grand album à l'aura
nauséabonde et énigmatique.
SKX (30/04/2013)
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