baddrugs
rottedtooth


Bad Drugs
Raw Powder - LP
Rotted Tooth 2011

On en connaît tous des fouteurs de merde, des malades générant un bruit de bâtard qui étrille les oreilles mais de la trempe de Bad Drugs, c'est rare. Très rare. Parce que ce bruit là est comme la bise fraîche d'un matin cinglant sur votre joue de petit porcinet, un doux rappel à l'ordre, le signal d'une journée triomphante où il vous sera demandé d'en baver pour le bien du collectif besogneux, sans aucun espoir de gratitude mais avec la secrète satisfaction que vous les avez enculés bien profond.
Bad Drugs soulève un sentiment de toute puissance, une euphorie artificielle que seul le bruit maîtrisé peut procurer. Car faire du bruit est tout un art et n'est pas à la portée du premier sagouin venu. On aurait pu les raccrocher à White Suns ou Satanized mais Bad Drugs, c'est la taille au-dessus. Un noise-rock manipulé par tous les bouts, matière brute qu'ils prennent le temps de sculpter, ou pas, livrée telle quelle dans sa magnifique débauche.
Un trio de Chicago, avec Kyle Reynolds, ex-batteur de Cacaw, proposant de fulgurantes stridences qui ne sont pas que crimes et châtiments. Bad Drugs met un soin particulier à varier les sévices, à inscrire ses émanations bruitistes et penchants masochistes dans des cadres avec garde-fous, des morceaux copieux et cohérents, malgré la folie ambiante, s'étalant chacun dans les cinq minutes de moyenne. Des groupes comme Aids Wolf ou Pre devraient en prendre de la graine. Ce n'est jamais le chaos pour le plaisir du chaos, jamais l'impression d'un grand n'importe quoi. Bad Drugs est très fort sur les dosages, mélange adroitement les grosses déferlantes et l'intensité sous-jacente, les uppercuts, les crispations et les cris aigus d'un guitariste, Patrick LaBahn, grand maitre d'œuvre de Raw Powder, brillant pour faire hurler sa guitare, lui arracher toutes sortes de gémissements, crissements et cure de désintoxication pour en expurger le meilleur. Et tout ça sans machinerie, sans putain de synthés, sans électronique, tout à la force du poignet dans un jouissif triptyque guitare, basse, batterie et chant. Des voix mélangées du guitariste et du bassiste (Andrew Martinec) finement saturées, extirpant toute la bouse de leurs entrailles mais capables également de se faire plus mesurées et d'apaiser les douleurs. Oui, c'est magnifique. Sur Toxic Swat, Bad Drugs lâche un saxophoniste dans la nature (Dave Reminick) et… oh non, mon dieu ! un synthé joué par le fourbe Cooper Crain qui heureusement, s'est prend tellement plein les gencives avec la guitare qu'on ne fait pas la différence. Le synthé devrait toujours être joué avec les genoux.
Sept morceaux de choix qui n'ont rien d'un bloc monolithique mais traversés par de multiples inspirations de génie et de variantes qui font toute la richesse d'un nouveau groupe tout simplement sidérant.
Comme pour tous les disques de Rotted Tooth records, il ne faut pas hésiter à augmenter le volume du disque pour un plaisir maximal et se lever à chaque fin de face pour stopper les deux locked groove. Un beau disque vert, dans une pochette de Mister City Press, tirée à 300 malheureuses copies alors qu'un exemplaire devrait trôner dans chaque foyer de cette foutue planète. Ça serait toujours le bordel mais au moins, on saurait pourquoi. Grand disque.

SKX (14/02/2012)