temporaryresidence

Wino
A Bottle of Pills With a Bullet Chaser - 2xCDs
Temporary Residence 2008

Il existe un paquet de Wino dans le monde du rock mais celui qui nous intéresse aujourd'hui vient de Louisville, faisant saigner quelques tympans entre 1996 et 1999. Vous aurez donc compris que A Bottle of Pills With a Bullet Chaser est une anthologie de tout ce que ce groupe largement méconnu a publié dans sa courte vie, inédits compris. Temporary Residence nous avait déjà fait le coup avec le réédition d'un album de Crain, agrémenté de quelques inédits pour le geste commercial. Le label va nous le refaire en novembre prochain avec une réédition conséquente : tout le catalogue de Bitch Magnet. Trois CDs ou LPs, remastérisation et inédits de circonstance, douzaines de photos, textes, un poster, des flyers.
Bref, tout le contraire de ce double CD digipack de Wino. Rien, que dalle, pas une info. Trente-six, oui trente six titres, mis bout à bout, à prendre tel quel. Mais comme on n'est pas des bleus et qu'on ne nous la fait pas, on sait bien qu'il y a une logique à toute cette profusion. Sur le CD1, les trois premiers correspondent au single Dutch Oven sorti en 1999, les suivants à l'unique album réalisé en 1998, déjà sur Temporary Residence avec en piste 4, un Dogs en version live sorti dont ne sait où. On commence donc cette rétrospective par la fin de vie de Wino, celle que n'a pas connu leur premier bassiste, Jason Simpson, mort juste avant. Le label avance pompeusement que Wino a inspiré de nombreux groupes de Louisville, Young Widows en tête. On se contentera de notre coté de dire que Wino avait surtout lui-même de multiples influences accrochées à ces basques. Avant de passer le flambeau, ils avaient eux-mêmes bénéficié de nombreuses connexions passées. Slint, A Minor Forest, Rodan pour la frange noise-rock émotionnel mais aussi une facette plus pop-punk comme le titre inaugural Dutch Owen. Sans oublier Mission of Burma et Volcano Suns. Mais ça pouvait virer également plus hargneux et tranchant, lorgnant vers le son noise de Chicago ou celui, plus Unsanien, de New-York (la ligne de basse assez énorme et le chant saturé sur l'abrasif Yam Hand, du même single Dutch Owen). Varié donc mais toujours cohérent. A l'image de l'album auto-titré. D'ailleurs, je ne sais pas trop comment à l'époque on a pu passer à coté de ce disque. Wino s'acquitte d'une bonne poignée de morceaux de bravoure. One-Eyed Willie, le plus Slint-ien/Rodan de la bande ou Unsane qui revient dans la danse sur Burn Down The Factory. Wino tape même dans la noise abstraite et free avec saxo sur les cinq minutes torturées de Desesperation. Mais ce disque n'est pas une longue litanie de références. Wino, à force de piocher à gauche et à droite, avait su se forger sa propre force de frappe et ce CD1 est beau disque de noise-rock made in 90. Excepté le morceau Eon, gros point noir au milieu de la tronche, compo electro kitsch bien ratée. Mais Wino ne faisait pas mine d'être ouvert d'esprit. Pour le meilleur et pour le pire.

Sur le CD2, on s'attaque à la genèse du groupe. Deux titres du single Greatest Hits Vol. #2, un morceau (Johnny Deeper) du split 7'' avec Nero et huit titres d'un split album avec Experimental Pollen. Le reste, c'est de l'inédit, des lives, on ne sait plus trop, les pistes se brouillent. Ce qu'on apprend essentiellement, c'est que le Wino du début était plus volontiers noise, punk toujours, tourné vers Unsane, une basse effectuant pas mal de ravages et une voix postillonnant allégrement sur la membrane du micro. Heaven et Mensural, soit l'intégralité de Greatest Hits Vol. #2, sont un régal dans le genre (où est le Vol. #1 ??). On apprend également que Wino avait de la réserve. Les inédits ne sont pas des fonds de tiroirs. Ca manque un brin d'ampleur et de consistance dans le son, on sent que tout n'a pas été travaillé comme il se devait mais le sillon d'une noise-punk virulente, sans esbroufe et poignante est bien creusé. S'enquiller ces trente-six titres, c'est voir autant de chandelles, ça ne se fait pas d'une traite mais cette réédition est une belle initiative et une nécessaire réhabilitation.

SKX (03/09/2011)