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swans discography
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Swans
My Father Will Guide Me Up A Rope To The Sky - LP
Young God 2010
My Father Will Guide Me Up A Rope To The Sky - Special Edition - 2xCDs
Young God 2010

Ma relation avec les Swans est récente. Pour d'étranges raisons, par une suite de préjugés incompréhensibles ou tout simplement pris par le mauvais bout, quand c'était le début de la fin, pas envie de creuser plus loin, les Swans avaient toujours fait parti de cette catégorie de groupes dont le nom m'était bien sûr connu mais que je n'avais jamais écouté. Je veux dire VRAIMENT écouté. En profondeur. Consciencieusement. Quasi pieusement. Depuis, le retard a été largement rattrapé. Ca m'a valu de lâcher quelques beaux billets pour se procurer leurs vinyls majeurs (le premier EP, Filth, Cop, les maxis, Greed, Holy Money) mais ils ont été largement remboursés par des écoutes répétées, devenant les vieilleries ayant le plus fréquentées la platine depuis cinq, six ans. Vénération. A se demander encore comment j'avais pu passer à coté de ÇA aussi longtemps. Cette masse sombre et malsaine, cet obscur objet de désir/répugnance. Cette lente agression comme un venin noir se répandant dans les veines pour devenir définitivement accro.
La sortie d'un nouvel album quatorze années après le Swans are Dead n'augurait rien de réjouissant, ce genre de retour ayant souvent l'odeur de rance. Je ne venais pas de rentrer sous les ordres de St Swans pour m'en faire sortir par un piteux album de retour. Mais l'attirance était trop forte. Et encore une fois, j'avais tout faux. Tout le monde est d'accord, ce nouvel album ne possède pas l'originalité, la force et l'attrait vénéneux de ces illustres prédécesseurs de la première période des Swans, la meilleure (en gros celle courant de 82 à 87 jusqu'à Children Of God) et c'est une bonne chose. Une copie de cette époque noire, même dorée avec un goût de cendres, aurait été un désastre. On a l'âge de ces artères et celles du dictateur des Swans, Michael Gira, lui ont dicté d'aller de l'avant, de s'inspirer du passé - de toutes ces expériences passées, les bonnes comme les mauvaises - et ne garder que la substantifique moelle de cette jeunesse tourmentée. Swans n'écrase plus tout sur son passage, n'est plus cette machine démentielle, lourde comme un poids mort, lente comme une marche funèbre mais garde en son sein cette aura menaçante et malsaine.
Sauf que Gira a depuis rencontré la Lumière et des petits angelots lui ont soufflé de reformer les Swans. Et pour le coup, les Swans sont désormais touché par la grâce. Pas celle que tu vois quand tu as fumé un gros calumet de la paix en affichant un sourire niais mais la vraie, profonde, quasi mystique, celle qui fait élever le commun des mortels vers une chose indéfinie mais où tu te sens bien. C'est ça, inspire et fais tourner. Parait qu'il y a du Angels of Light (l'autre projet de Gira après les Swans) dedans. Comme je n'ai jamais eu la curiosité et/ou le courage d'écouter, on va croire sur parole, je m'en mordrais les doigts plus tard.
My Father will guide me up a rope to the sky est donc un album aussi noir que blanc, donne envie de s'enterrer vivant ou de flotter dans les limbes de l'espace. A l'image de cette pochette qui n'est pas étrangère à mes hallucinations auditives et montées de température. L'ascension par le mal. Les cloches du jugement dernier vous accueillent sur le titre d'ouverture No Words / No Thoughts, emprunte la scie circulaire de Einsturzende Neubauten, fait intervenir le jeu de batterie très reconnaissable de Phil Puleo, l'ex-Cop Shoot Cop, et vous plonge dans un sentiment de gravité et plénitude. Que les rythmes soient tribaux ou absents, que la voix de Gira soit grondante ou qu'elle tente d'amadouer ces démons, que certains titres fassent baisser la pression ou qu'on se prenne de face des relents de leurs glorieux passé de tueurs de la pleine lune, aussi symphonique que martial, cet album est une parenthèse, une respiration dans un monde musical qui se mord souvent la queue. La forte personnalité de Gira et sa bande sont plus marquantes que jamais. Et obsédante. Et ça, ça dépasse le simple cadre du disque bon ou pas bon, mieux ou moins bien qu'avant. Ce groupe a un univers bien à lui alors on laisse glisser, on oublie tout et on se laisse porter par ces compositions homériques. Un disque qui a toute sa place dans le paysage musical actuel de la part d'un groupe qui a bien fait de ressusciter.

My Father will guide me up a rope to the sky, acte II. Une Special Edition dans laquelle Michael Gira joue à Jim Thirlwell et triture les bandes de l'album pour ne faire qu'un long titre de 46 minutes, Look at me go, présent sur le CD2 alors que le CD1 représente l'album sous exactement la même forme que l'original. Un travail de laborantin qu'il avait déjà effectué avec Body Lovers/Body Haters en 2005. Royaume de l'overdubs, il s'est amusé à prendre différents sons de My Father Will, des parties instrumentales, a tout recollé les morceaux dans un ordre différent, a invité des amis (Jason La Farge pour les cordes nombreuses, Kristoph Hahn et Hunter Hunt Hendrix pour des guitares en plus, Brian Carpenter pour des cuivres), inventé de nouvelles sonorités, bien secoué le tout, laissé reposer pour donner un sens à tout ce fourbi. Le chant enfantin de You Fucking People make me sick mélangé aux stridences des cordes. Le rythme martial de No Words / No Thoughts dans un crescendo de tension redoutable. Encore des violons, encore des stridences, encore des montées flippantes et de l'adrénaline en interaction parfaite avec de puissants effets oniriques et de grouillements sonores. Ca de quoi faire peur, un seul long et fastidieux morceaux de cette longueur mais encore une fois, c'est mésestimé Michael Gira. Pas de bidouillages excessives, d'expérimentations brumeuses mais une relecture avec des éléments solides, identifiés et totalement prenante de My Father will guide me up a rope to the sky, un Look at me go devenant ainsi un album à lui tout seul. A moins que dans ces moments de dévotion, le moindre pet dans l'eau devienne valeur d'oasis. Après toutes ces années de silence, on attend déjà la suite avec impatience.

SKX (13/03/2011)