202project
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202project
Total Eclipse - CD
Le Son Du Maquis 2010

Vous l'avez aimée cette putain d'année 2010 ? Moi non plus. C'est pourquoi je ne vous souhaiterai rien du tout pour la nouvelle, celle qui vient tout juste de commencer, tant elle pue encore plus que la précédente cette odeur d'entre-deux, une odeur dont on ne sait s'il s'agit d'un début de décomposition pas encore tout à fait déclarée ou si c'est la merde qui nous submerge déjà complètement et qui nous aveugle en même temps. Vous croyez que vous avez le choix ? JP Marsal aka 202project n'en sait rien non plus. Mieux : il convoque une éclipse totale de soleil pour donner un nom à son véritable - et formidable - premier album et pour décrire cet état instable d'incertitude, sans attentisme ni fatalisme mais avec une dose de claustrophobie bien plombée. Une éclipse de soleil : si vous avez le malheur de la regarder alors qu'elle n'est pas complète vous risquez de vous brûler les yeux irrémédiablement ; si vous attendez que le spectacle soit complet pour le contempler alors vous ne voyez que l'apparition magnifique du cercle solaire, une apparition qui ne dure qu'un temps, beaucoup trop bref. On en revient toujours au même point. Total Eclipse est donc quelque part un album profondément replié sur lui-même - qu'il soit l'œuvre d'un seul homme n'est sûrement pas du au hasard -, un album froid et souvent humide, comme un corps organique qui progresse, recouvre tout mais laisse toujours entrevoir quelque chose. En cela Total Eclipse est un album qui nous parle, dans lequel il est facile de se retrouver : 202project a su concevoir et enregistrer un disque aussi désertique que surpeuplé, aussi mortifère que lumineux, aussi monomaniaque que porteurs d'humeurs infinies.
Mais parlons musique. Celle de 202project regarde indéniablement du côté des early Cure mais aussi et tout autant du côté de Cabaret Voltaire ou des Spacemen 3. Il n'est pas rare à l'écoute de Total Eclipse de passer d'une pop noisy à une sorte de garage synthétique, sans compter les soubresauts cold wave et pourquoi pas kraut rock et indus. Un titre comme Hallucination collective résume bien les horizons musicaux de son auteur : on y trouve des synthétiseurs qui foutent le bourdon, des guitares aigrelettes transperçantes, des percussions presque tribales et un chant lointain et nasillard qui semble ne rien dire de bon. A l'inverse Tunnel est monolithique et unidimensionnel, lente déambulation d'apparence sans fin dans un labyrinthe perpétuel. Entre les deux JP Marsal/202project nous subjugue par son talent d'écriture et d'arrangement (La Face Cachée Du Soleil, Total Eclipse et Bloody Map) et nous étonne avec quelques tentatives de danse paraplégique (Drug Me et surtout Raw Club). Les moyens employés ici sont peut être divers et variés mais tous convergent vers un seul point, aussi aveuglant qu'invisible donc, un point dont il ne sert à rien de tourner autour ni de courir derrière. Il n'était sûrement pas aisé de concrétiser à ce point une idée aussi fugace par nature. Une éclipse de soleil est un évènement aussi prévisible que demain est incertain.

Haz (09/01/2011)