bigbear
joyfulnoise


Big Bear
Under The Beach - CD
Joyful Noise 2010
See Out EP
Joyful Noise 2010

Des revenants comme il en existe tant dans le rock (et ailleurs aussi, faut pas croire), des groupes qui prennent leur temps. Pure dilettantisme couplé avec prodigieuse fainéantise, ça donne album tous les cinq ans. Un premier disque sur Monitor records qui n'avait pas laissé un souvenir impérissable sinon que le mal de tête était fourni avec. Cinq ans plus tard, les aspirines sont toujours en option. Big Bear a pourtant mis moins de metal dans leur technique, verse dans la force obscure du math-rock mais là encore, comme on ne pouvait pas dire que Big Bear était un groupe de metalcore pur jus, on ne peut pas avancer non plus que Under the Beach est un album de math-rock classique. Par contre, la suite de plans âpres, rigoureux et austères continue de labourer les chairs avec une force de pénétration à rendre dingue. Le groupe se définie lui-même comme faisant du geometry-core. On a bien saisi l'ironie de l'appellation contrôlée mais franchement, qui a envie d'écouter un disque de géométrie, à part quelques pervers binoclards à tête de fayots ?! Big Bear a beau se la jouer moins rude et méchant dans les sonorités, mettre un peu plus de synthé et une chanteuse, Jordyn Bonds, dont les vocalises sont censés apaiser les nerfs, Under The Beach est un disque exigeant. Voir éreintant. A cramer le peu de neurones qui vous restent. Le genre de disque à manipuler avec précaution. Ne pas hésiter à faire des pauses, écouter une poignée de morceaux, aller faire un tour, penser à des choses légères, sa liste de course, écouter un disque des Ramones parce que là, je viens de l'écouter trois fois d'affilée et je ne suis pas loin de prendre mon abonnement chez Le Chasseur Français. Envie de grand air d'un seul coup. Et de meurtres. Big Bear vous pèle les nerfs, répète, répète, répète, répète - mais tu vas répéter oui ??!! - une mesure, implacablement, sournoisement, rajoute un petit détail, grimpe dans la tension, casse le tout en plus de les briser menu-menu et répète à nouveau. Encore. Et avec cette voix d'angelot à qui on confierait sa première petite culotte sans arrière-pensée, créant un décalage encore plus pervers, Big Bear rend fou. Big Bear étudie les figures dans l'espace sonore, mesure les droites, les angles et dans ce carré, se débat dans sa camisole. Big Bear, en cinq ans, a quand même réussi à rajouter un soupçon de mélodies, mais vraiment un soupçon, avec une pincée d'âme. Je ne savais pas que j'avais tout d'un fayot.
Album réalisé à l'origine en 2009 par les propres moyens du groupe proches du néant, Under The Beach a dû attendre que Joyful Noise records s'occupe de son cas en plus grand nombre pour le sortir, de façon plus officielle, en 2010. Dans la foulée, le label d'Indianapolis enchaîne avec un EP 5 titres, See Out, d'un Big Bear, grosse bestiole de plus en plus peluchée. La géométrie reste la matière préférée du groupe de Boston mais en adoucissant le propos. Un peu comme si Deerhoof se mettait aux mathématiques. Les sonorités se détendent, le synthé s'enhardit au profit de la guitare et les mélodies vocales apportent de la douceur. Mais les nerfs restent à fleur de peau.
Comme tous les grands malades, Big Bear ne donnait pas de nom à ces compositions et ces morceaux numérotés 24 à 28 sont le chant du cygne de Big Bear, désormais plus mort-vivant que revenant.

SKX (23/08/2011)