We Only Said
s/t - CD
Range Ta Chambre 2009

Le premier réflexe visuel a été de penser à la pochette du Total Destruction d'Unsane. Gros plan sur une vieille bagnole. La calandre, le feu brisé. Mais oubliez tout ça. Pas de sang, pas de bout de chair. Juste de la rouille et une impression d'abandon collant beaucoup mieux à l'univers de ce nouveau groupe de Rennes. Il partit de un (Florian Marzano). A l'arrivée, ils furent quatre. Plus de nombreux pèlerins ramassés sur le bord de la route. Le I devient We et bien qu'on dénombre huit personnes plus une parolière (Nathalie Burel), la musique porte la marque de son géniteur originel, conservant cette aura intimiste, ce fond de chambre ouvert aux amis de passage, leur offrir un pot et un peu de place dans les méandres de son jardin intérieur. Ce qui fait qu'au lieu de se retrouver avec un projet de folk dépressif, on hérite d'un spleen consistant. Et d'une très agréable surprise. Une clique qui trimballe sa mélancolie sur un fond de beauté sombre et pas mal de luminosité autour. Ou est-ce une petite flamme qui brille de l'intérieur ? C'était pas gagné d'avance. On a connu des groupes se casser la gueule, ne pas tenir la distance d'un album à répandre leur sale humeur cafardeuse sans se prendre les pieds dans l'abattement, à endormir l'auditeur bien avant la fin.
We Only Said a du souffle. Déjoue les pièges. Pour la simple et bonne raison qu'ils ont les compositions qui tuent. Rien de tape à l'œil et d'évident. Juste cette fameuse petite flamme qui tire chaque morceau vers le haut. Celle qui fait relever le sourcil à la première écoute, qui vous donne envie de remettre ça, d'y revenir mine de rien, de vous chauffer encore et à la fin, vous révèle dix compos terriblement attachantes pour peu que le moment de la journée soit propice. Des arpèges envoûtants de Driving my Car ou plus généralement, toutes les parties de guitares inspirées. Du programming, mot barbare pouvant devenir amical quand il est judicieusement saupoudré comme sur le mystérieux Our Monochrome Life. Une batterie impulsant de la nervosité et une ligne de basse parfaite (Get out Freakie). Du piano pas rebutant pour une touche de classicisme et cinématographique. Un chant retiré et planant et le plus évident, Eighty-Sixed (qui n'est pas un hommage à la 8.6) dont le clip vaut son pesant de légumes. We Only Said réussit à trouver l'équilibre adéquat, une douceur dans laquelle on ne s'écrase jamais, une tristesse qui n'est jamais de l'affliction gratuite, une tension interne pour rester sur le qui-vive et qu'on aurait aimé parfois plus voyante comme sur la fin de Killjoy ou l'enlevé Eighty-Sixed. A se balader toujours sur une même crête fragile, l'album manque parfois de ressort et d'accident. Mais leur univers est ainsi fait qu'on s'y enveloppe avec plaisir. J'en suis le premier surpris. Une sortie de route, l'envie de poser son sac et We Only Said.

SKX (26/01/2010)