Ventura
We Recruit - CD
Africantape 2010

Je me suis laissé entendre dire que cet album était parfait pour l'été. Gorgé de soleil, des mélodies comme une crème solaire s'étalant sans baver sur votre peau blafarde, le vieux fantasme de la décapotable rouge qui file, musique à fond, cheveux au vent, car c'est ça, la Ventura, c'est dormir chaque nuit dans tes bras, c'est tes mains qui se posent sur moi. Mais je ne suis pas Stone et eux encore moins Charden et ce disque, c'est à toutes les saisons qu'il va s'écouter.
Car si il y a du bonheur en barre, We Recruit sourde également la mélancolie, voir carrément la sinistrose d'une longue soirée d'hiver, bourgeonne les élans d'optimisme, fait fondre la banquise et envoler les hirondelles, donne du vernis à vos doigts de pieds, ah la Ventura, c'est ça que j'aime, chanter partout avec toi. Difficile d'expliquer pourquoi un disque aussi banal arrive à vous secouer autant. A faire prendre l'ordinaire pour du super, le conventionnel pour de l'extase. Rien de bien changer dans leur indie-rock-noisy comparé à leur premier album Pa Capona sauf que le trio suisse le fait encore mieux. Plus limpide, plus percutant, plus beau. Des airs de pas y toucher mais des mélodies qui font mouche. Un subtil alliage de finesse et de murs de guitares, de souplesse et de rythmiques qui tabassent, de légèreté et de gravité. Faire du jeune avec du vieux ou faire du vieux quand on est jeune mais que l'émotion de la compo passe avant tout. Faire des morceaux qui auraient pu tomber dans la facilité et le vulgaire, la main sur le cœur et le briquet au bout de l'autre mais rattraper le pathos, ne me demandez pas comment, sans trembler, à grand coup de riffs bien placés et révéler la faille qui est en eux. Toujours cette grisaille enveloppante, cette voix souffreteuse qui suggère, cette amertume sous-jacente rendant la lecture plus difficile qu'au premier abord, ces Fuck them all pas politiquement correct quand on vient juste de mentionner les 24000 personnes qui meurent de faim tous les jours (pas en Suisse, je vous rassure).
Après un départ en fanfare et trois premiers titres impeccables, We Recruit connaît bien un léger tassement en son milieu mais repart de plus belle sur la fin et s'achève en beauté, par Demons, ceux qui se sont penchés sur le berceau de Ventura, des bienfaisants leur apportant grâce et roublardise. C'est ça le miracle tout simple et si compliqué de Ventura, l'essence même de la pop music, des morceaux possédant le don de rester dans votre caboche, l'envie qui en découle de les remettre sans cesse avec suffisamment de profondeur pour que l'effet dure longtemps. Au moins huit secondes pour vous dire que Ventura, c'est de la dynamique. Et bien plus encore.

SKX (07/08/2010)