Gone Bald
Waiting It Out - CD
Narrominded 2010

En 2007, Gone Bald fêtait ces douze ans et demi dans l'indifférence générale. Trois ans plus tard, Gone Bald s'accroche. Razorblade Jr, fondateur et unique membre d'origine d'un groupe crée en 1994 en Croatie, a ça dans le sang. Envers et contre tout, il ne peut faire autre chose que prendre sa guitare, sa voix pleine de ressentiment et épancher son blues dans un noise-rock viscéral, un son qu'il poursuit depuis près de vingt ans, bien qu'on se demande à force, si ce n'est pas lui qui est poursuivi. Comme ce type sur la pochette dont on ne sait pas si il est prêt à dominer le monde ou prêt à se faire la malle pour de bon.
Alors oui, Gone Bald fait du Gone Bald, creuse l'ornière comme d'autres creusent leurs tombes mais Waiting It Out est le plus beau des trous qu'il ait creusé, dans ce noise-rock qu'il aime malaxer, cette guitare qu'il triture sans cesse jusqu'à lui extirper le meilleur. C'est pas demain qu'on va l'enterrer.
Seulement aidé par un nouveau batteur (Sultan Battery, on a le pseudo qu'on peut), Gone Bald se mue en duo et se dote d'une force de frappe insoupçonnée. Je crois bien (de mémoire… ça fait quand même son huitième album) que je n'avais jamais entendu un son aussi plein, aussi charnel de toute leur discographie. La disparition de la basse donne un nouvel élan, comme si Razorblade était obligé de trouver des trésors de créativité avec sa fidèle guitare pour palier l'absence. Chaque riff, chaque coup de grosse caisse frappe juste et en parlant de batterie, Sultan mérite bien son prénom. C'est propre, carré, sans fioritures, en osmose totale avec son maître guitariste, comme si ils avaient formé ce couple depuis des décennies. Hormis l'intro et l'outro dont des samples de films sont le ciment, la mise en température, le duo forge un répertoire de huit titres plein à rabord, de longues tirades dépassant allégrement les six minutes. Du péplum The End of Symphonies, morceau quasi instrumental titillant les dix minutes et à multiples facettes mais dont la virulence constitue le fil rouge aux morceaux plus mesurés dans le tempo et poignants tout en restant tendu en son sein (Christmas Song et Eddie's Son avec son bout de trompette), Gone Bald a retrouvé un second souffle et l'inspiration qui va avec. Razorblade Jr (Ivica Kosavic de son vrai nom) multiplie les riffs lumineux, des attaques de cordes Big Blackienne quand il taquine les aigues, des harmonies cinglantes, n'abandonne pas totalement la basse (sur Diving for Oysters), se démène comme un dingue et si tout ça ne suffira pas/jamais pour faire le grand groupe reconnu dont il rêve, la poisse en bandoulière, Waiting it out est le meilleur album de Gone Bald. Alors faites vous une faveur et écouter, célébrer Gone Bald, donner une chance à Waiting it out. Cet album est tout simplement bon et porté par une rage bien perceptible de ceux qui galèrent depuis des années, qui sacrifient tout pour leur groupe, qui n'ont jamais pris le train de la mode en marche, qui de toute façon ne voudront jamais, c'est tout à leur honneur, préférant s'obstiner à sortir ceux qu'ils ont dans les tripes, alors que des centaines de groupes merdiques réussissent, ce dernier verbe ne signifiant strictement rien. On préfèrera toujours un groupe comme Gone Bald, losers magnifique de la cause rock'n'roll.

SKX (23/12/2010)