Antiforfora
Say Aaah - CD
Self-released 2009

Il existe des disques pour lesquels il faut faire un effort surhumain pour les enclencher dans la machine. J'ai mis déjà une bonne minute pour savoir si le nom du groupe c'était Say Aaah ou Antiforfora écrit en plus petit, avant de me résigner à Antiforfora. C'est quoi ce nom, les cousins de Lofofora ? Say Aaah aurait finalement mieux sonné, c'est dire… Et puis la pochette, issue d'un brainstorming sauvage d'une école de designers ouzbeks, d'une puissance rare, en dit long sur la beauté insondable de l'âme humaine. J'en pleurerais. Nous baignons donc en plein charme de l'auto-production, où tout est fait à la main, avec l'ensemble des outils que le monde moderne a eu la bonté de mettre gratuitement à disposition de tout à chacun. Heureusement, l'intérieur est plus excitant que la devanture. L'enregistrement et le mixage maison ne respirent pas des signes extérieurs de richesse mais les compos - le nerf de la guerre à défaut d'être l'argent - méritent qu'on s'attarde sur cet objet de tous les désirs. Du noise-rock de combat, (bien) élevé par leurs pères Portobello Bones ou Condense, des lyonnais comme eux. Les lignes de basse sont plus d'une fois redoutable, alambiquées juste ce qu'il faut. On imagine le carnage si un son d'asthmatique n'avait pas accompagné ces cordes. Certains titres ne doivent même pas comporter de guitares quand le saxophone est de sortie et que l'habituel guitariste passe à la basse fretless. Dans les passages plus complexes où souffle un arrière-goût jazzy, on pense également à Prohibition. Des vieilles références qui, si ça se trouve, ne leur parlent même pas à ces jeunes mais l'affiliation est troublante. C'est plein de bonnes idées, se perdant hélas parfois dans les méandres de compos inutilement à tiroirs. C'est rythmiquement riche mais pas dénué de qualités mélodiques avec de bonnes gueulantes pour casser les angles et pousser le truc un peu plus loin. C'est aussi trop long. Trancher dans le lard n'est pas souvent la qualité d'une première œuvre enregistrée trop vite mais quand vous pensiez tomber sur du punk albanais de 1982, vous ne pouvez être qu'agréablement surpris par le disque d'un trio qui a préféré passer son temps à bosser ces morceaux plutôt que son image. C'est si rare par les temps qui courent et surtout très engageant pour la suite.

SKX (15/03/2010)