Pissed Jeans
King Of Jeans - LP
Sub Pop 2009

Le troisième album de Pissed Jeans est à double tranchant. A chaud, c'était l'album de l'année, la baffe qu'on attendait plus de la part d'un milieu rock trop calculateur. A froid et un paquet d'écoutes plus tard, il a comme un manque qui empêche de vous agenouiller (complètement) devant le groupe d'Allentown, Pennsylvanie. Un coup de coeur qui une fois consommé vous fait voir l'envers du décor avec les reproches qui commencent. On s'enflamme très vite sur False Jesii Part 2, Half Idiot et Dream Smothered, soit les trois premiers titres mettant le feu aux poudres et au sens. La recette des Pissed Jeans est connue et elle vous aveugle comme au premier jour. Un rock'n'roll/noise sauvage, tapageur et débraillé. Le chant de Matt Korvett sent le souffre, jusqu'à pousser des râles de contentement sur Request for Masseuse, comme si il s'était fait tailler une pipe en studio. Enfin ça c'est pour la version optimiste. Plus sûrement la branlette quand on est un tas de losers comme eux. En plus ça rime avec Korvett. Autre membre de base, Bradley Fry et sa guitare qui explose, dérape, larsen et dans tout ce joyeux bordel, trouve la faille pour glisser le riff lumineux à l'intérieur d'une section rythmique toujours aussi solide et chaudasse. L'arrivée d'un nouveau bassiste (Randy Huth en remplacement de Dave Rosenstraus) ne change en rien l'odeur de la baston. Et la baston, Pissed Jeans adore. Le groupe est plus énervé que jamais et balance pendant une bonne moitié d'album, des salves à la vie à la mort. Deux minutes trente, c'est déjà le bout du monde quand on a décidé de jouer les jeunes chiens fous et en foutre plein la gueule. Alors ça distribue les torgnoles à tour de bras et avec l'aide de Alex Newport pour la production, c'est le genre de bourre-pif dont on ne se relève pas facilement. Mais à force de nous rouer de coup, on finit par ne plus tout encaisser. C'est qu'on a notre fierté. Comprenez bien. Cet album est excellent. Mais quand on cherche l'album parfait, on ne peut souffrir de morceaux moyens, de morceaux dont le souffle épique retombe. Après les trois fameux titres d'entrée, Pissed Jeans a beau se déchaîner, l'illusion n'est pas absolue. Ils maintiennent la pression mais il manque un je ne sais quoi les emmenant en lévitation au-dessus de la fournaise rock, qui en fait autre chose qu'un groupe vindicatif et rageur de plus, quand bien même la rage est belle. Des compositions comme Human Upskirt, She is science-fiction ou les deux titres de clôture Dominate yourself et Goodbye (hair) semblent vivre sur leurs acquis. Même le morceau le plus long, les sept minutes de Spent, parti pour être le passage de bravoure de l'album, s'avère un rien longuet. Il manque à Pissed Jeans des titres plus mémorables, plus personnels. Il leur manque leur Monkey Trick à eux, un I Wanna be your dog ou un Big Jesus Trash Can qui font toute la différence, le subtil détail pour leur faire passer le palier supérieur. On ne peux faire que la même conclusion que pour Hope For Men : un très grand disque de rock'n'roll. C'est déjà pas donné à tout le monde mais maintenant qu'ils maîtrisent parfaitement leur sujet, qu'ils sont devenu les King Of Jeans, il leur faut devenir les King tout court.

SKX (17/12/2009)