Madraso
Van Horne - LP+CD
Pseudo 2009

Il a pas fallu trois plombes pour plonger tête baissée dans ce premier album de Madraso. Un trio de Seattle faisant son entrée par la grande porte dans le monstrueux monde du noise-rock. Imaginez une rencontre entre l'évidence d'un Young Widows, la belle complexité d'un Craw et la hargne d'un Black Elk sans les soli de guitares. On en met en taule pour moins que ça. J'aurais bien rajouté au tableau de chasse, pour nous les p'tits français, le nom de Doppler pour ce léger effet saturé sur la voix et certaines ambiances mais on va arrêter là parce que Madraso se suffit à lui-même et à ce rythme là, va devenir une référence à lui tout seul.
Enregistré sur du vieux matos analogique et un 2 inch tape, la musique de Madraso vous saute à la tronche plus sûrement que du boulot signé Albini. C'est Justin Weis qui s'est collé derrière les platines, a enregistré la bête live pour un rendu bluffant, s'inscrivant parfaitement sur la chaleur d'un vinyl (pour les losers, un CD est inclus dans le package). La paire basse-batterie, comme souvent dans ce genre de combat, est centrale. Aussi à l'aise dans les bastonnades coup de poing que les longs corps à corps, tour à tour agile et lourde, cette paire constituée de Doug Owen (basse) et Chris Jager (batterie) nous en met plein la vue sans la frime et sans en mettre partout. Là-dessus, Jeremy Curles fracasse sa six cordes et sa voix qu'il a magnétique. Owen met le feu aux lignes de basse, le batteur frappe comme un sourd et quand on les croit sur le chemin de la rédemption, Madraso nous assassine d'un poignard retors dans le dos. Parce que cet album possède une bonne dose de malsain, toujours au bord du chaos et que je ne vais pouvoir plus longtemps résister à vous lâcher une autre référence, celle qu'on ne donne pas à n'importe quel clébard qui jappe pour faire l'intéressant, la dernière carte que l'on abat... mais celle des mythiques Dazzling Killmen s'impose. L'art de la déconstruction tout en gardant une efficacité et une limpidité redoutable, la pression imposée sur vos frêles épaules, Madraso possède cet art subtil de la torture chinoise, la peau épluchée centimètre par centimètre, les résistances qui tombent une à une, avec l'envie de vous débattre comme un damné tout en sachant que vous êtes irrémédiablement prisonnier, happé par cette machine infernale au nom de Madraso. Et quand, vers la fin de l'album, vous croyez tomber sur un semblant de répit avec un piano et sa touche solennelle au début des neuf minutes de To The Grave Uh ?, c'est pour mieux retarder la bombe sur ce gigantesque morceau qui vous éclate définitivement la tronche. Et c'est ainsi pour les onze compos de ce premier album faisant suite à The Theme Of Consequence, un EP six titres réalisé en 2006 ainsi qu'un single et un split avec Blackhole et qu'il me tarde bien sûr à faire main basse dessus.
Ai-je besoin de préciser après cette tartine dithyrambique que ce disque est indispensable ?!

SKX (31/10/2009)