Made in Mexico
Guerillaton - LP
Skin Graft 2008

Made in Mexico n'aura jamais aussi bien mérité son nom. On pourrait croire ce groupe venir du pays du sous-commandant Marcos dont il est pas mal question dans cet album, ou de toutes autres contrées comprises entre le Chiapas et la Terre de feu mais c'est bien du pays de l'oncle Sam que cette mixture provient. Made in Mexico vient d'inventer un nouveau genre. La samba noise, le tango dissonant ou encore la salsa no-wave, bref les rythmes latino-américains mais transposés à Providence et faut avouer que ça fait bizarre. Ces ex-Arab on Radar et La Machine jouent une partition bien différente de Zodiac Zoo, leur premier album, un truc unique en son genre.
A une époque où tout se ressemble et où il est bien difficile de labourer son petit lopin de terre sans faire penser à la parcelle voisine, il faut au moins reconnaître ce mérite à Made in Mexico. A l'instar de Arab on Radar, Jeff Schneider et ces compagneros tentent l'approche singulière, la revolucion par le son, la mise en danger avec le plan casse-gueule en ligne de mire et c'est ce qu'on est pas loin de penser... C'est surprenant au début, pas loin d'être marrant, on pense même à une sympathique blague mais comme toutes les mauvaises blagues, elle dure longtemps. Il faut franchir le cap difficile des premières écoutes, le disque échappant ainsi de peu à une chronique assassine, sans non plus espérer un jour fondre devant un Guerillaton bancal. Des rythmes dansants, l'ondulation du bassin et le Cuba malmené, un petit pas de guaracha derrière une bonne stridence dans les gencives, l'air frais de la pampa en milieu urbain, ça donne un drôle de mélange. Jeff Schneider a un jeu de guitare très caractéristique, tentant de suivre ces rythmes peu communs dans le milieu, de créer des riffs latinos avec des manières de punk. Un air de carnaval avec des passages bruitistes, des riffs piquants et des arpèges stressants. C'est loin d'être convaincant mais on se prend parfois au jeu, à esquisser un mouvement de nuque, un battement du gros orteil comme sur Guerillaton, morceau d'ouverture plus rock que la moyenne, les six minutes de Gran Colombia et sa fin digne d'un défilé du Mardi Gras sur la place centrale du marché ou Yes We Can, morceau qui a servi de bande-son pour le jeu Playstation Guitar Hero II (ou quand un groupe engagé profite des largesses d'une multinationale), provoquant de drôles de réactions. Le groupe s'offre quelques divagations reposantes comme l'acoustique Villa Tranquila, des interludes (Mundo 1 et 2) et la voix détachée de Rebecca Mitchell, crooneuse à la Siouxsie Sioux, avec des backing vocals de zombies.
Musique alter-mondialiste de rockers qui ont mis le cap au sud avec Guerillaton, un disque tout bizarre, usant les nerfs, aussi original que laborieux et pittoresque. On serait tenter de lancer un Made in mexiconton pour sauver ce groupe fourvoyé sur des chemins escarpés mais on va les laisser faire par excès de curiosité. Le meilleur moment de ce disque, c'est en fait la très belle pochette parée aux couleurs de la Colombie. Une pochette gatefold avec une étoile découpée, laissant apparaître les visages des quatre membres du groupe. Skin Graft, en dépit de signatures de moindre qualité, sait toujours y faire pour l'emballage.

SKX (02/03/2009)