Hey ! Tonal
s/t - CD
Africantape 2009

Ecouter ce premier album de Hey! Tonal provoque le même sentiment que regarder intensément cette pochette pendant une bonne poignée de secondes. Ca brouille les sens et tu ne sais plus quoi en penser. Si c'est du cercle ou du carré, si ce disque tourne rond dans les angles ou fracture les arêtes, si c'est de la branlette branchouille ou du rock bien branlé, une resucée d'un Battles épileptique ou une musique azimutée et originale. Une illusion pas seulement optique. Elle concerne également le groupe qui n'en ait pas vraiment un. Cinq individus qui ont exploité au mieux les technologies modernes et ont troqué le bon vieux local de répétition poussiéreux par de confortables ordinateurs, favorisant l'échange de fichiers informatiques plutôt que les bières. On ne sait pas comment ils vont faire en concert, ce n'est peut-être même pas prévu au programme mais l'illusion est parfaite. L'impression d'un vrai groupe uni dans la sueur et pour accoucher dans la douleur (trois ans de gestation) d'un résultat où des milliers de sons s'entrechoquent.
Au début de la chaîne, Kevin Shea (Storm & Stress, Talibam) et sa batterie folle que ces collaborateurs du moment on eu la sage idée de dompter, canaliser pour le rendre audible et intéressant. Ces hommes bénis sont Mitch Cheney (Rumah Sakit et co-boss de Africantape) et Alan Mills, dont on salue l'impressionnant travail de remixage. Avec deux autres personnes dont les noms sont aussi parlants que celui de Mills et auxquels vous rajoutez l'espace d'un titre (If Flash Gordon was a SK8R) Julien Fernandez (l'autre boss de Africantape et actuel Passe Montagne) et Kenseth Thibideau, les guitares, basses et tous un tas de sons aussi naturels qu'ils peuvent être quand ils sortent du ventre d'un ordinateur - ils appellent ça des digiblips - s'additionnent, bouillonnent, fusent dans la même direction ou prennent des vents contraires. Une illusion de musique improvisée alors qu'elle est juste retravaillée, triturée. L'illusion que chacun joue sa partition dans son coin alors que tout ça ne dépend que du bon vouloir des laborantins du jour. A vrai dire, on aurait du se douter que tout ça n'était pas naturel. Que cette fusion orgasmique ne pouvait être que le fruit d'un travail de fourmis de studio. Que cette batterie débridée sonnant parfois comme une boite à rythme, que ces boucles, cette trépidance, ces contre-temps, ces multiples sonorités ne pouvaient pas s'accorder sans l'apport de machines. Mais le tour de force de ces mixeurs fous est d'avoir rendu ça vivant, cet assemblage hétéroclite cohérent, d'avoir sans cesse insuffler de la force et de l'énergie à ces huit compositions. Hey ! Tonal ne tombe pas dans le piège de la musique expérimentale hermétique, dans le drone qui dure des plombes parce que de temps morts, il n'y en a pas, dans le bruit gratuit et le morceau pénible parce chacun a sa personnalité et son lot d'intérêts. Dans le meilleur des cas, on penserait même au When in Vanitas de Brise-Glace comme sur l'excellent Kcraze ou encore Skitch (le groupe instrumental aime donner des noms ridicules à ses morceaux). Au final, Hey ! Tonal vous fait croire à beaucoup de choses mais arrive avec un mélange de rock et de fritures digitales, de faux-semblants et de vraies idées, à vous faire gober un premier album très attirant.

SKX (22/04/2009)