Sister Iodine
Helle - CD
Textile 2007

Le dernier album de Sister Iodine s'appelait Pause et la pause aura duré plus de dix ans. Un laps de temps mis à profit pour se fourvoyer dans des projets laptop-electro-impro qui me sont totalement passés au-dessus et je ne sais pas pourquoi, mais je ne regrette rien. Un retour aux affaires coïncidant avec le retour des ex-Bästard/Deity Guns au sein de Zëro, groupes avec lesquels ils ont été souvent été affiliés dans les années 90 mais ça, c'est le hasard n'est-ce pas ! Une scène noise à la française dont Sister Iodine était le mouton noir, loin de faire l'unanimité, le genre qu'on déteste ou qu'on adore. Si le trio parisien partageait l'esprit aventureux et expérimental des lyonnais, la prise de risque était plus grande. Cet ex-groupe préféré de Sonic Youth n'avait pas la musicalité des Bästard. Leur expression descendait du mouvement no-wave pur et dure, l'aspect bruitiste était mis en avant croisé avec les affres d'un This Heat ou l'exigence d'un Brise-Glace. Ca c'est pour la théorie. Si sur leur premier album ADN 115 (Semantic, 1994), ces ambitions restaient dans un format rock, avec toute l'énergie et les fractures que cela comporte, Pause (Semantic, 1997) envoyait paître toutes les règles, durcissait la formule pour aboutir à quelquechose de passablement informe et raté dont le beau boîtier noir finira le plus souvent comme cale meuble de luxe (d'ailleurs je ne retrouve plus mon exemplaire, je ne l'aurais quand même pas revendu ?!).
Une décennie plus tard, Erik Minkkinen, Lionel Fernandez et Nicolas Mazet, soit le line-up originel qui n'a pas bougé d'un iota, retrouvent le chemin de leurs guitares, batterie, basse, tous ces instruments d'un autre âge, mus par je ne sais quelle raison d'en découdre à nouveau. La raison n'est en tout cas pas financière vu la difficulté toujours grande de leur musique. Sister Iodine nous colle d'entrée sur Helle avec un morceau de huit minutes, Les île (sans le s à la fin), tout caoutchouteux, les fameuses guitares préparées semblant être à nouveau de sortie avec une voix toute bizarre par derrière. La pause n'a pas duré assez longtemps semble-t-il et on commence déjà à regretter cette reformation… En dix ans, une ribambelle de groupes iconoclastes répondant à des exigences proches de Sister Iodine ont battu le pavé, notamment américain, avec Animal Collective ou Black Dice. Si Sister Iodine pouvait encore faire illusion en 1995, il va falloir sacrément se bouger pour nous sortir autre chose qu'un brouet auditif insignifiant. Chose qu'ils ne réussissent qu'à moitié (petite la moitié). Quand le groupe décide de prendre ces expérimentations par les cornes, de donner de l'intensité et du corps à ces instruments, on suit sans broncher. Le fractal Air France, la montée libératrice de Vicee, le punk-nowave Mutang avec ce chant d'allumé de Minkkinen, un art dans lequel Sister Iodine excelle mais qui est hélas bien trop souvent délaissé au profit de longueurs monotones bruitistes et abstraites. Mon vieux corps malade élevé au rock aime quand une batterie le secoue mais cette batterie totalement déstructurée est trop souvent absente. Seul élément nouveau, ces quelques titres qui, bizarrement apaisent (chose qu'on attend pas de Sister Iodine), comme des sonorités exotiques extraites d'un ukulélé trafiqué pour climats oniriques sur Ellee ou Western Lei. Sister Iodine risque de ne pas se faire beaucoup d'amis encore une fois. Ils sculptent un paysage sonore qui a du mal à prendre du relief, un univers finalement assez calme, rebondissant sur Pause, en améliorant le concept mais majoritairement vain et ennuyeux.

SKX (11/02/2008)