The Dead Science
Villainaire - CD
Constellation 2008

Troisième album pour le trio de Seattle et changement de crèmerie avec la signature sur le plus exposé label Constellation. Ce qui devrait faire du bien à ce groupe qui mérite plus que la confidentialité dans laquelle il zonait jusqu'ici. Mais la première chose qui frappe quand on ouvre ce beau digipack, c'est la dédicace au Wu-Tang Clan (groupe de rap américain). Pas la petite ligne dans un coin en bas du livret intérieur à la suite des crédits habituels. Le bel et grand hommage avec la photo des membres et écrit en gros et en lettres d'or : It's Yours. C'est beau, c'est sans ambiguïté et ça ne veut surtout pas dire que Dead Science a viré sa cuti. Ils n'ont pas tronqué leur contrebasse contre des platines et leurs costumes de dandy contre des survêtements de racaille avec breloques en or autour du cou. Le Wu-Tang a été avant tout une grande source d'inspiration pour cet album, par la manière sans compromis qu'ils ont mené leur carrière, par les multiples pistes musicales semées dans leurs compositions et par la dualité entre aspect sauvage de leur attitude et pensée réfléchie de leur propos. Fin de la théorie.
Tu oublies tout ça et tu te contentes de cette douce harpe ouvrant les hostilités. A ce moment là, le Wu-Tang Clan est loin, très très loin. Sauf que comme eux, The Dead Science ne se laisse pas facilement apprivoiser. Ca part rapidement dans un rock trouble car varié et singulièrement plus énervé que leurs précédents opus. C'est pas encore aujourd'hui qu'on pogotera comme des lourds sur Dead Science mais le trio a mis du nerf dans sa vision contemplative, du réel dans son monde en suspend. On commence à comprendre l'allusion au Wu-Tang. Le cérébral laisse du terrain sur la bête qui sommeille en eux. Une batterie donnant dans le frénétique sur The Dancing Destroyer, le violon fougueux sur l'éclaté Monster Island Czars, la harpe de Throne Of Blood disparaissant rapidement derrière un rythme pressé d'en découdre. Ils se permettent même de construire leur petit tube à eux, alors que ce n'est vraiment pas le groupe fait pour, Make mine marvel et son refrain déboulant sans crier gare. Une section de cuivres, des invités à la pelle dont Katrina Ford (Celebration et surtout ex-Jaks) et Craig Werden, ex-Shudder to Think (vieux groupe de Dischord) dont l'organe vocale n'est pas sans rappeler celle de Sam Mickens. Une voix qui ne laisse pas indifférent, on aime ou on déteste, principal point de discorde de Dead Science, avec son trémolo naturel et cette manière de chanter que certains pourraient juger comme affecté. Une voix originale, en parfaite adéquation avec la musique même si j'avoue que, parfois, je lui botterais bien les fesses pour qu'il en sorte autre chose que cette plainte d'enfant de chœur pervers. Il faut attendre le cinquième titre, Lamentable, pour voir renouer le groupe avec ses démons antérieurs avant de les voir repartir sur des envolées dont on ne les savait pas capable. Tout en conservant cette pointe de mélancolie et cette image d'étudiants en beaux-arts branchouilles qui peut irriter, ils ont réussi à ne pas se liquéfier dans le brouillard et évoluer vers de nouveaux horizons. The Dead Science flirte entre la pop sophistiquée de 31Knots, le folk tendu d'un Violent Femmes, les bizarreries d'un ancien camarade de tournée (Xiu Xiu), des atmosphères jazzy et faussement feutrées pour terminer sur un baroque et brillant Clemency. Mais The Dead Science est surtout unique, ne se refuse rien, donne du clinquant au catalogue de Constellation en quête de changement et signe tout simplement son meilleur album. Du grand art.

SKX (19/09/2008)