Oxbow
The Narcotic Story - LP
Hydrahead 2007

Il faut entendre Eugene Robinson soupirer Oh Jesus sur fond de violon au début de Down a stair backward. C'est toute la détresse humaine qui vous tombe sur les épaules. Tout un symbole. Toute la beauté et toute la force d'un album qui, dès les premières mesures, sonne à part dans le paysage musical actuel et dans la discographie déjà conséquente du groupe de San Francisco. Ou plus précisément, un pas en avant, un de plus, une prise de risque pas surprenante quand on s'appelle Oxbow et qu'on aime pas faire deux fois le même album. Une mise à nue à laquelle ils devaient forcément y arriver un jour tant ils ont sans cesse flirté avec les sentiments à fleur de peau tout au long de leurs cinq précédents albums. Sauf que cette fois-ci, au lieu de les cacher sous les décibels, Oxbow joue la carte de l'orchestration. Violon, xylophone, piano, guitare acoustique, accordéon, etc… Tout est écrit et dirigé de main de maître par le guitariste Nico Werner, s'intercalant avec grâce entre le traditionnel guitare-basse-batterie. L'ossature reste là, bien présente, continuant à déverser son lot de riffs et de rythmes secs mais tout est désossé. Chaque instrument est à sa place, laissant respirer son voisin et ça claque. Les compositions restent déliées, explosées, les premières écoutes vous perdent, comme souvent avec Oxbow, avant que l'évidence ne s'impose. Des fulgurances mélodiques qui nous renvoient à l'album Let me be a woman. Tout le talent de grands musiciens pour rendre limpide des morceaux qui ne font rien dans la simplicité. Des titres à faire chialer, des titres qui prennent aux tripes ou pour s'envoler, pleurer à nouveau, émouvoir, des éclairs d'espoir inhabituels s'asseyant auprès d'une colère sous-jacente toujours, d'un désespoir latent avec cette distance et rugosité qui donnent de l'épaisseur, qui fait de Narcotic story, un album de rock à part entière et sans chichi. Et au milieu de cet océan, Robinson, crooner, pleureur, hurleur, habité par son chant comme un comédien qu'il est à ses heures perdues. Eugene est beau. Eugene est grand. Terriblement bagarreur et plus que jamais humain, se dévoilant sans honte mais pas assez pour que le mystère et l'aura de la personne ne disparaissent. L'album sans doute le plus accessible de leur discographie mais tellement exigeant. De cette exigence qui ne rend pas le succès facile mais qui donne des albums cultes. On a pas fini de creuser ce disque. Dans 20 ans, on l'écoutera comme au premier jour, passant allègrement les années et les modes, transmis de génération en génération, comme un secret bien gardé.

SKX (08/10/2007)