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Don
Caballero
World Class Listening Problem - CD
Relapse 2006
En ces temps
de reformation tout azimut, pour le meilleur et (surtout) pour le pire,
il ne faudrait plus s'étonner de rien. Et pourtant à chaque
fois, ça vous fait bizarre. Don Caballero, six ans après
l'extinction des feux, remet donc le couvercle. C'est avec des pincettes
(monumentales) que j'attendais les premières notes. Vu l'album
avec lequel ils nous avaient laissé, le pâle American
Don, on pouvait craindre le pire. Que fallait-il encore espérer
avec le totem Damon Che derrière ses fûts, la seule mémoire
du groupe et sa force de frappe phénoménale ?
Après ses déboires (au propre surtout comme au figuré)
avec Bellini, ses plumes perdues avec son projet The Speaking Canaries,
le Che décide de remonter la machine, recrute trois mecs qui sortaient
déjà des disques sous le nom de Irwin et Creta Bourzia (c'est
celui qui le dit qui l'est - dont Jason Jouver, bassiste qui tenait la
gratte dans l'obscure et néanmoins excellent groupe Jumbo
et qui participe aussi depuis peu à Microwaves) et signe sur Relapse,
cela va de soit (!). Et oh surprise, cet album sonne comme une réussite.
Je veux dire, comparé au dernier de ya six ans. A s'attendre au
pire, on s'extasie devant le passable. On est presque heureux de retrouver
le Don Cab en aussi bonne forme. Les deux guitaristes s'en sortent plutôt
bien. Avec toute la meilleure volonté du monde, je ne voulais pas
les comparer avec les guitaristes historiques Banfield et Williams mais
c'est trop tard. Leur tenue de manche et gratouillements en tout genre
ne mettent pas en folie les six cordes comme la paire suscitée.
L'originalité peut dormir sur ses deux oreilles. Mais ils arrivent
à insuffler suffisamment de dynamisme et d'entrelacs pour faire
croire au retour. Damon Che reste fidèle à lui-même.
Je laisse aux spécialistes pinailleurs de la cymbale gauche et
autres enculeurs de mouches deviser sur l'évolution et la richesse
ou non de son jeu mais de loin, ça reste cogneur et souple. Le
bûcheron pris dans la tourmente.
En fait, cet album renvoie au tout premier, à For Respect,
des titres saignants, efficaces, relativement courts, sans divergences
soniques. Bref c'est le Che qui commande et non plus Ian Williams (parti
expérimenté avec Battles). Des morceaux comme Mmmmm Acting
et And and and
nous feraient presque croire à un retour
treize ans en arrière. Mais vous avez aussi des compos laborieuses,
des guitaristes en manque d'inspiration où on attend désespérément
qu'il se passe quelquechose, des mélodies guillerettes qu'on se
demande ce qu'elles foutent là et plusieurs plans bien casse gueule.
L'autre problème également, c'est qu'en six ans, des groupes
comme eux (et qui doivent beaucoup à Don Cab d'ailleurs) yen a
des tonnes. Et si Don Cab débarque pour ne faire qu'une copie de
Don Cab, eux les initiateurs d'un style, on fait forcément grise
mine. On s'attend à qu'ils continuent d'explorer la voie (on est
bien naïfs parfois) et on se retrouve avec un groupe de plus dans
le délire math-rock instrumental. Bien sûr, ya la touche
Don Cab, inimitable mais tout ça sonne comme du déjà
entendu. Avec toujours cette putain de bonne volonté, je n'aimerais
pas comparer cet album avec les trois premiers du groupe mais c'est encore
raté. Et là, forcément, ce World Class Listening
Problem ne tient pas la distance. Et n'allez pas y voir un quelconque
snobisme (encore heureux !). J'eus aimé que cet album m'explosasse
la gueule. Merde, c'est Don Caballero quand même. Mais ce n'est
pas le cas. Simple constat. Mais pour un retour qui allait forcément
déchaîner les comparaisons en tout genre, pour un groupe
qui avait tout le poids de l'histoire sur ces épaules (même
aussi massives que celles de Damon Che), le (re)nouveau Don Caballero
tient la route. Rien d'exceptionnel. Il ne fallait pas s'attendre à
des miracles. Le Don Caballero des années glorieuses est mort et
enterré. Mais après un tel passif, le retour est acceptable,
s'écoute avec nostalgie, arrive presque de temps à autre
à nous faire croire que le présent est doré tout
en laissant dubitatif sur le futur.
SKX (11/09/2006)
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