KILL THE THRILL
Tellurique - CD
Season Of Mist 2005

Chaque album de Kill The Thrill est guetté par un parterre de fidèles. Les Marseillais ont le don de se faire rare. Une discrétion discographique qui, malgré plus de quinze ans d'existence, les rend méconnu d'un public plus large et qu'il mériterait amplement, égard à leur œuvre unique et puissamment émotionnelle. Mais ce groupe semble maudit à jamais, il faut se faire une raison. Tellurique est leur quatrième album. Après quatre nouvelles années de silence. Un instant pressenti sur Hydrahead records, c'est toujours sur Season of Mist à qui l'honneur échoue. La musique de KTT avait séduit Aaron Turner, le boss d'Hydrahead et Isis. Un signe fort quand on connaît la mode actuelle de la musique metal à mélanger la puissance et la lourdeur du style avec les paysages sonores riches en mélodies. Une des marques de fabrique de Kill The Thrill qui n'a pas attendu que le vent souffle dans le bon sens pour maîtriser cette fusion. Et dépasser allégrement ce clivage avec cette nouvelle production. Si les racines puisent dans la musique metal et industrielle (Swans, Neurosis, Godflesh dont ils reprennent avec force ici le Us and Them), Tellurique montre toute l'étendue de leur diaphragme musicale. Kill The Thrill n'a plus peur de se montrer à nue, de dévoiler des trésors de mélodies dans un magma de ténèbres, de libérer des sonorités si particulières de guitares s'entremêlant avec les nappes voilées de synthés, de régler sa boite à rythme au plus juste, perforer le sol, renvoyer à la froideur de la cold-wave, asséner de violents coups de basses puis dans un dernier geste de lucidité, envoyer tout balader, faire fi de toutes considérations et créer un univers enflammé qui leur est propre, une densité sonore qui vous enveloppe tout aussi sensuelle que âpre, un brouillard dans lequel se perdre. La souffrance se fait sentir, tend à l'aigu, soudain agitée. Soave, morceau atypique de leur répertoire, où Marylin Tognolli, la bassiste, passe au chant et puise au plus profond d'elle-même des paroles pour une fois aussi importante que la musique. Morceau à l'intensité dramatique qui donne envie de sortir de soi même. Tellurique, maelström de sentiments contradictoires. Ca vous plombe le moral pour la journée. Magnifie la mélancolie. Serrer les poings, la rage qui suinte, explose ou reste en suspend, s'arracher la peau, s'enfoncer plus bas que terre. Kill The Thrill a encore réussi à se transcender, à taper là où ça fait mal, s'adresser à notre corde sensible sans apitoiement. Toute la force de leur musique est dans ce pouvoir évocateur, cette façon de nous emmener dans les méandres de nos sombres sentiments tout en gardant des lueurs d'espoirs. Nous amener en pleine extase au dessus d'un champ de ruine. Radieux mais terriblement lucide. KTT aura comme d'habitude toujours autant de mal à trouver son public avec un album qui est pourtant leur plus perceptible. Kill The Thrill exacerbe les sens, trouble la vision et vous immerge dans son monde singulier à introspecter d'urgence.

SKX (31/12/2005)