KILL THE THRILL

Les Marseillais de Kill The Thrill , pilier de la scène noise française depuis 16 ans, toujours là coûte que coûte, avec leur groupe hors-mode et hors-norme, une deuxième peau, un véritable sacerdoce avec leur doute, leur colère, la fatalité qui va avec et toujours une bonne grosse dose de passion pour tenir debout.

Interview réalisé le jeudi 9 février 2006 lors de leur concert à Rennes, au Mondo Bizarro, avec leurs potes de Binaire. Participants : Marylin, Nico, Fred (Kill The Thrill), Florian et Nico (Binaire), Thierry tdtb et quelques membres de l'asso organisatrice K-Fuel.

Rentrons directement dans le vif du sujet… Rennes, Limoges, La Rochelle, des dates à l'arrache, je voulais savoir, si après 15/16 ans d'existence, ce genre de plans ne vous lassaient pas un peu, faire tous ces kilomètres pour des cachets dérisoires alors que vous pourriez prétendre à plus de reconnaissance….

Nicolas : effectivement, on est un peu fatigué de jouer pour 100 € dans des caves mais il se trouve qu'on a pas pu trouver mieux donc on s'en contente une dernière fois mais je crois qu'on va arrêter de jouer dans des caves. Sauf dans des endroits comme ce soir qui sont fait pour la musique au contraire de bars qui sont de simples débits de boisson.

Vous avez encore beaucoup de plans comme ça ?

Marilyn : ça dépend des assos. Des assos comme ici avec K-Fuel qui sont dans la scène musical depuis tant d'années, c'est bien de jouer pour des gens comme ça. Après il faut faire la part des choses, quand tu es accueilli comme des chiens ou ici où c'est un plaisir de jouer même si c'est pas le Zénith (où on pourra jamais jouer de toute façon) mais là c'est un lieu pour la musique avec des gens qui ont envie de te voir. Après il ya des endroits où tu es là pour faire l'animation… ça fout les boules et t'as envie d'éviter ça.

Oui j'ai entendu parler d'un concert où vous faisiez la 1ère partie des Tambours du Bronx et le public n'avait rien à faire de vous…

M. : oui là c'était un peu spécial. Ils (les Tambours du Bronx) ont fait une résidence et c'était un spectacle qu'il présentait et le public des Tambours est très large et les gens étaient plus venu voir un spectacle qu'un concert
N. : en fait ce qui s'est passé à Clermont-Ferrand, c'est que la soirée a été présentée comme une soirée industriel-metal. Au début il devait yavoir peut être Neurosis, Killing Joke et au final, c'était juste Les Tambours et Kill The Thrill qui faisaient leur 1ère partie. Donc ils ne voulaient pas qu'on joue plus d'une demi heure car une 1ère partie, ça ne joue pas plus d'une demi-heure… Alors quand on se tape la route, que ce n'était pas prévu comme ça au départ… Finalement on a pu jouer 40 minutes devant le public des Tambours du Bronx puisque nous de toute façon, on a pas de public !

Et donc quand vous dites que vous voulez arrêter ce genre de plans concerts " dans les caves ", ça veut dire quoi concrètement ?

N. : Concrètement, ça veut dire qu'on va regarder les fiches techniques de chaque lieu, voir si on peut jouer à un niveau de qualité sonore correct et puis essayer d'avoir un peu plus d'argent car jouer pour 100 € ça paye juste l'essence.

Vous pensez jouer encore beaucoup du coup ?!

N. : C'est ce qu'on se dit ! Si on fait ça, on ne jouera plus…

Et à l'étranger ?

N. : C'est pareil, on a des contacts mais rien de concret.
M. : le problème est qu'on est tous les 3 intermittents du spectacle. Actuellement, En France la situation est tellement compliqué que pour pouvoir jouer, il est impossible de déclarer des salaires à chaque fois, les cachets sont trop faibles. Nous avons tous un boulot d'intermittents dans la musique, soit d'ingé-son pour Nico ou soit régisseur pour Fred et moi. On a boulot qui en théorie, nous permet de faire de la musique, sans être payer en tant qu'artistes mais qui nous fait bosser dans la musique et d'en vivre. Mais on est des intermittents artistes. Et à chaque fois qu'on veut partir jouer, la situation est bloquée. On a des plans déclarés qui nous permettent de bosser mais on préfère aller jouer. On se demande à chaque fois ce qu'il faut faire. On se sent coincé… Est-ce qu'on grandit un peu, on assure notre survie sociale ou on continue à se faire plaisir. Quand on dit qu'on va arrêter les plans un peu plus roots, c'est dans ce sens là. Pouvoir continuer sans s'égarer dans tout ça… Il faut faire le tri.

Justement, comment vous vous expliquez qu'après 15 ans, vous en arrivez toujours à faire ce genre de plan… ?

M. : (hésitante) ya pas vraiment d'explications…
N. : Si, je crois que c'est un problème d'organisation. La musique a changé en France. Il ya beaucoup de SMAC (l'appellation 'SMAC' (Scène de Musique Actuelle) remplace le label 'Café-musique' NDR) qui n'accueillent plus les groupes de moyenne notoriété en dehors d'une 1ère partie ou alors pas du tout ! Et comme on ne peut pas accéder à ça, on se rabat sur des plans plus roots. Là on vient de faire une année de tournée promo comme les dates avec Dillinger Escape Plan. C'est-à-dire que tu fais les 1ères parties mais tu n'es pas payé. Juste l'hébergement, la nourriture et tu payes tous les autres frais, la route, etc… Après on est parti en Angleterre en tournée avec Isis. On était payé juste 70 € sans l'hébergement. Et l'hébergement, ça coûtait 100 € par soir dans les auberges de jeunesse. Déjà qu'on ne gagne pas d'argent, il faut en plus en dépenser pour jouer ! Après on est parti avec Arcturus (groupe de black-metal progressif, tout un poème NDR) en tournée européenne, dans des salles de 300 places, dans un tour bus mais ça nous a coûté 2300 €.

Mais pourquoi vous ne pouvez pas être payé sur ces dates ??!!!!

M. : avec Isis en Angleterre, ça c'est fait à la dernière minute. Ils nous appelé pour nous dire qu'ils voulaient qu'on fasse leur 1ère partie. Au final on a eu un peu plus que 70 €, on a eu une rallonge mais après c'est un choix. On a pu jouer chaque soir devant beaucoup de monde. C'était sold-out. C'était génial, on a vendu plein de disques. On s'est fait plaisir. On a rencontré un public qu'on ne connaissait pas qui était le public anglais, c'était vraiment bien.
Après des groupes comme nous, yen a des tonnes… Le problème en France, c'est que c'est un peu verrouillé.

C'est pire qu'il y a 10 ans ?

M. : oui nettement. A l'époque, on arrivait plus à se vendre auprès des salles avec une cassette démo que maintenant avec 4 albums. Il ya tout un ensemble de facteurs qui sont super compliqués.

(A Binaire) Vous voyez ça comment vous qui commencer un peu quand vous entendez KTT parler de la situation actuelle ?

Nico (Binaire) : Noir ! Bon on existe depuis moins longtemps qu'eux. Ca fait que 3 ans qu'on joue ensemble. On connaît les Kill depuis environ 10 ans, depuis un concert qu'on avait organisé avec l'asso dont on faisait parti à St Etienne puisque nous somme originaire de là. Mais on les connaissait en tant que groupe. Plus personnellement, on les connaît depuis un, deux ans. Maintenant, on fait de la musique pour se faire plaisir, pas pour en vivre. Le but, c'est que ça nous coûte pas du tout d'argent ou quasiment pas. On est sans doute moins exigeant qu'eux mais je comprends aussi leur situation au bout de 15 ans d'existence.
Florian (Binaire) : On n'a pas la même vision non plus car ça fait longtemps qu'on fait de la musique, dans d'autres groupes auparavant mais on est pas intermittent. On ne cherche pas à gagner un seul centime. On joue, on se fait plaisir et basta. Après j'ai ma vie à coté comme ça je peux faire ce que je veux avec ma musique. Je les rejoins par contre au niveau de l'accueil. Quand tu arrives dans un lieu et qu'il n'y a pas de sono, de mauvaises conditions, c'est carrément un manque de respect. Après qu'il n'y ait personne et pas d'argent, c'est pas un problème mais que les gens qui organisent se bougent pour accueillir les groupes correctement.

Et vous KTT, vous aimeriez vraiment en vivre ou ça reste une passion que vous faites à coté de vos boulots respectifs ?

M. : Le statut d'intermittents va de toute façon sauter. Il est déjà écrémé à fond …. Donc oui si on pouvait vivre que du groupe, on le ferait, on est là pour ça.

Et dès le début du groupe vous avez eu cette envie ?

M. : On a toujours fait avec, toujours été intermittents en faisant autre chose à coté. Ca vient naturellement….
N. : On a toujours fait l'intermittence comme un boulot parallèle. Jusqu'à maintenant, on a réussi à tenir le coup sauf que là, on y arrive plus. En partant jouer, on perd du boulot, on perd des employeurs. Et puis finalement, comme disait Florian, ce n'est pas de gagner de l'argent mais arriver dans un lieu où on est accueilli normalement. En 16 ans, on a eu 5 cachets en tant qu'artistes intermittents sur environ 800 concerts… Au bout d'un moment, tu te dis que ya un truc qui ne fonctionne plus. Tous les groupes avec qui ont a commencé ont arrêté. Ils fallaient bien qu'ils mangent, qu'ils trouvent un boulot….

De la compilation Serial Killer sur Roadrunner en 1991, ya plus que vous !

N. : oui, ils ont tous arrêtés. A un moment donné, tu es pris à la gorge parce que tu peux plus assumer les deux.
Fred : et puis là, ça nous coûte de l'argent.
N. : C'est vrai que ce disque là nous a coûté pas mal d'argent. Pas l'enregistrement puisque nous l'avons fait nous-mêmes. Mais après, pour le label qui s'occupe de la promo, il faut qu'on joue. Et nous avions aussi envie de jouer car ça faisait longtemps qu'on n'avait pas jouer dans le cadre de tournées et on avait tellement envie qu'on accepte tout et n'importe quoi. Et finalement, on arrive à un point où on n'en peut plus. C'est très dur psychologiquement de continuer comme ça.

Je me demandais également si vous n'étiez pas victimes de votre " lenteur " entre chaque album. 4 albums en 15 ans, est ce que vous n'êtes pas un peu victime de votre processus de création qui prend pas mal de temps…. ?

M. : C'est vrai qu'il y a eu des choses internes au fonctionnement du groupe dont on est conscient. Ca fait un album tous les 4 ans en gros mais en même temps c'est le temps qu'il faut pour le faire.

Faut vraiment 4 ans pour faire un album de KTT ??

M. : pas forcément mais jusque présent, ça c'est fait comme ça. Il y a eu aussi le fait qu'on a changé beaucoup de fois de guitaristes avant que Fred nous rejoigne et qu'on devienne stable. Et on était toujours un peu dans l'optique adolescente de se dire " on va tourner, on va tourner, on va tourner " donc à chaque fois il fallait répéter le set avec la nouvelle personne qui arrivait et ça pouvait prendre du temps avant que ça soit très bien, homogène. Tout ça prend du temps qui n'est pas pour la composition. Maintenant, on risque peut-être de changer d'optique. La durée promotionnelle d'un album maintenant, c'est 6 mois. Les groupes jouent juste le week-end et après tu les vois plus, ils travaillent, ils composent et ils ressortent un album. KTT est resté dans le truc un peu punk " un album, ça dure 3 ans ! ". Et bin non, c'est pas vrai ! Un disque à la FNAC, il dure 2 mois dans les bacs. Après c'est le retour direct au distributeur. Donc c'est un tout. C'est comme internet, les nouvelles technologies, tout ça change et il faut essayer d'évoluer dans ce sens là.
N. : Le problème, c'est qu'il n'y a pas vraiment de soutien. A un moment donné, pour la sortie d'un album, on pouvait être soutenu par tel festival et mais ya plus aucun retour. Idem pour la presse. Il y a vraiment un écart entre le " petit " groupe et la tête d'affiche. Un gros écart même à tous les niveaux. Du coup, c'est un peu bouché.
M. : on a quand même un succès d'estime. C'est prétentieux ce que je dis mais je trouve ça bien. Tu ne fais pas de la musique que pour être intermittents. Je préfère que 4 albums en 15 ans dont je suis fière que 20 dont je serais pas tellement fière. Si je fais le bilan personnellement, je parle pas au nom du groupe, je reste assez fière de ce qu'on a fait même si ça a ramé, ça rame encore et ça ramera toujours. Voilà c'est un choix. C'est comme un écrivain qui va plafonner à 400 exemplaires mais qui racontent des histoires passionnantes mais pas du tout commerciales. C'est une histoire d'envie.

Le groupe est donc stable depuis 6 ans. (A Fred) Est-ce que tu n'as pas eu trop de difficultés à t'intégrer dans ce duo qui joue ensemble depuis longtemps ?

Fred : (hésitant) oui et non. Difficile parce qu'il faut prendre le train en marche. Après c'est une histoire entre ce qu'on te propose et ce que tu proposes. Au début, il y a eu une connexion par rapport à ça. Je les connaissais depuis des années en tant que groupe. Je les ai souvent vu en concert et on se croisait comme ça, on habita la même ville. Je faisais de la musique avant et on a fait certains concerts en commun. Le groupe s'appelait Enema, un projet qui a duré deux ans alors que je jouais dans KTT déjà.

Pour cet album, vous avez tout fait par vous-même. J'ai l'impression que vous avez du mal à déléguer, vous préférez tout contrôler… Pour le précédent album, vous aviez choisi de travailler avec Michael Gira, l'ex-Swans mais je crois que ça s'était mal passé….

N. : On a fait un mois d'enregistrement aux USA mais on a quasi tout refait à Marseille…

Ca explique aussi les lenteurs que vous avez à sortir un album avec en plus, vu de l'extérieur, un coté très perfectionniste…

F. : ça rejoint ce que disais Marylin tout à l'heure par rapport au temps que ça prend pour faire un morceau. Pour écrire de 8 à 12 morceaux, ça prend tant d'années. C'est vrai qu'au moment où tu vas mettre tout ce travail entre les mains d'une personne qui va l'enregistrer, c'est très important. On adore déléguer, c'est pas le problème (Marylin ne semble pas tout à fait d'accord sur le mot " adorer "), mais il faut que cette personne te renvoie quelquechose d'exceptionnelle.

Apparemment, vous n'avez pas encore rencontré cette personne ?

N. : (catégorique) Non !

Et vous avez des noms pourtant de personnes qui pourraient être la bonne personne ?

M. : Je suis sûr qu'il ya des gens qui travaillent dans le son capable de sortir de belles choses mais une fois que tu as engagé un budget sur l'histoire, que tu t'engages avec telle personne et que ça marche pas, tu n'as pas d'autres alternatives que de tout refaire toi-même parce que tu n'as plus l'argent pour réinvestir ailleurs. Si on pouvait essayer un tel, un tel, un tel, avoir une marge pour essayer avec quelqu'un puis avec un autre si ça marche pas…. Mais là c'est pas possible, ça nécessite de trop gros investissements.
N. : On était très enthousiastes de travailler avec Gira. On écoute les Swans depuis qu'on a 14 ans, c'était une rencontre. Ca été une rencontre de 10 jours. Une rencontre un peu particulière. C'est bien de travailler avec quelqu'un qui va améliorer ou changer des choses. On était très ouvert. On a fait toutes les prises qu'il a voulu, il nous a guidé. Et le résultat n'était pas terrible. Travailler avec quelqu'un pour que quelquechose se passe et si au bout du compte, on revient en arrière, autant le faire soi-même. C'est avant tout un très bon producteur et non pas un technicien et c'est lui qui faisait la technique.

Il a su que vous aviez tout refait après lui ?

N. : Oui oui mais on a plus eu de nouvelles après…

Et si vous aviez une liste de noms, elle ressemblerait à quoi ?

M. : C'est toujours pareil, tu écoutes des disques d'autres groupes qui te plaisent comme par exemple Terry Date, le mec qui a produit White Zombie, Prong. C'est un son qui n'a rien à voir avec KTT mais c'est un vrai ingénieur du son. Après, je ne sais pas si ça pourrait être vraiment efficace avec nous. Ou des mecs comme Albini. J'ai entendu des disques qu'il a fait qui sont excellents et d'autres qui ne sonnent pas du tout. Ca dépend aussi de ce que le groupe donne. Tu as toujours ce danger que même si la personne travaille bien, qu'est ce qu'elle va sortir de toi…. ?
N. : Du coup, Tellurique, on l'a fait directement chez nous. Au moins, ça coûtait rien. Ca coûtait du temps mais c'est tout et on l'a pas recommencé une 2ème fois. Low (le 2ème album), on l'a fait à la maison mais on a refait les mixages. Idem pour Dig (le 1er album) et pour 203 Barriers, on a tout refait.

D'où les lenteurs !

N. : oui ça explique qu'à un moment, tu es un peu écrasé par ce qui se passe. Mais c'est vrai qu'on a pas fait les bons choix.

Vous avez aussi un coté très perfectionniste…

N. : On est un peu perfectionniste mais pas tant que ça. Si on travaille avec quelqu'un qui sait vraiment travailler au niveau de la production et du son, ya pas de problème. Le problème, c'est que Michael Gira peut très bien mixer US Maple qui joue avec l'acoustique alors que nous, c'est pas du tout acoustique, c'est que des machines. C'est un travail de textures sonores avec des échantillons, etc et lui c'était pas son truc. Du coup, ça donnait quelquechose qui était un peu fade.

Et comment vous le jugez cet album ? Il a un coté un peu plus mélodique et " accessible "… C'est venu comme ça ou c'était vraiment délibéré ?

M. : C'est venu comme ça. On voulait un truc un peu moins frontal, moins mur du son, avoir plus d'espace alors forcément ça devient plus accessible.
F. : On avait aussi envie d'entendre plus la voix de Nico qui était plus mixée dans la masse sur les précédents albums.
N. : Ca fait des années qu'on nous dit qu'on n'entend pas les voix alors au bout de dix ans, on se dit, si les gens veulent entendre les voix, on va les mettre un peu plus devant. Ce n'est pas qu'on se laisse influencer par les gens mais c'est bien d'écouter ce que les gens en pensent.

Vous faites en tout cas une musique depuis des années qui mélange un coté " metal ", lourd et sombre avec un coté très mélodique sans que personne l'ai franchement remarqué et depuis 2, 3 ans vous avez plein de groupes américains notamment comme Isis qui le font et tout le monde crie au génie…

M. : Il faut le dire, il faut le marquer (rire général !) !!!! Bon ceci dit, par rapport à Isis, on n'est pas au même endroit qu'eux musicalement parlant. On ne vient pas du metal, même si on est sur un label de metal mais c'est pas notre truc. On a toujours écouté de la noise, on vient du milieu noise.

(Arno K-Fuel) C'est quoi vos références ?

M. : C'est My Bloody Valentine…
N. : Killing Joke, toutes les années 80/90, Big Black, Slint, etc…

C'est peut-être pour ça que vous avez du mal à trouver votre public, vous plaisez autant aux fans de MBV que ceux de Godflesh…

N. : Le problème qu'on a eu, c'est qu'on a pas eu les opportunités de rencontrer des gens. On n'a pas joué pendant de longues périodes. Moins tu joues, moins tu rencontres de gens, on passe à coté de pleins d'opportunités et petit à petit, on passe à coté du " truc ".
F. : C'est une histoire de soutien. Les gens qu'il fallait contacter, on les a contacté. Après on a fait des erreurs mais c'est vrai qu'au niveau du soutien, pour les festivals par exemple, ça leur coûte rien de nous programmer même à midi et ils l'ont pas fait. Les gens qui auraient pu nous donner des coups de pouce sur des festivals ne l'ont pas fait.
N. : C'est dans ces endroits là que tu rencontres les gens qu'il faut pour que les choses changent. Si tu joues dans de petits lieux, c'est bien mais les choses avancent beaucoup moins vite.
F. : On a pas accès à tout ce qu'on voudrait en fait. Même des salles de petites capacités, genre 300 personnes, les gens ne le font pas car ça va pas remplir la salle. Ce n'est plus une histoire de qualité. On est arrivé depuis 4, 5 ans à du rendement et un point c'est tout. La plupart des gens qu'on contacte connaissent KTT depuis des années, ils trouvent ça super, etc mais ils ne font rien pour toi, que ce soient les organisateurs, les tourneurs, les labels… Il y a une prise de risque qui a complètement disparue.

C'est une mentalité qui a beaucoup changé en 10 ans…

M. : C'est une histoire de vote. Si quelqu'un décide à un moment donné de te matraquer partout, tu passeras partout. Si KTT venait à plaire à une grosse radio commerciale, il n'y aurait pas de problème, on passerait en boucle.
Florian (Binaire) : Isis, n'importe quel gamin de 16 ans peut être fan alors que pour KTT, je pense pas que ce soit super accessible. Le gamin de 16 ans, il va détester. Isis et tous ces groupes qui font tous la même chose plus ou moins bien, les références sont très claires alors que pour KTT, c'est beaucoup plus sombre et en plus il ya le coté USA et le coté français…
N. : Le gros problème c'est qu'en étant français et en essayant de trouver des dates, on ne trouve plus rien. On est français, on est pas assez connu et il ya quelquechose d'inaccessible. On ne sait plus comment faire. Un groupe comme The Ex par exemple, ça fait 20 ans qu'ils existent et ils jouent partout. Ils veulent faire une tournée, ils téléphonent partout et ils jouent. Nous on téléphone, on joue pas.
Thierry TDTB : téléphones à The Ex (rire général) !!!!!

Et votre projet de sortie sur Hydrahead, ça devient quoi, c'est tombé à l'eau ?

M. : non, c'est toujours en cours mais c'était une distribution qu'il proposait, pas de le sortir sur Hydrahead. Une distribution aux Usa et au Japon. Mais ça pris du retard pour plein de raisons, ils avaient beaucoup de sortie de disques donc Season of Mist notre label a dit qu'ils le sortaient aux States puisqu'ils ont un bureau là bas et ça le fera comme ça. Mais on est toujours en contact avec Aaron Turner et il nous a dit de lui envoyer des trucs dès qu'on a des nouveaux morceaux mais ce n'est pas non plus un gage. Ce n'est pas parce que tu signes sur Hydrahead que ça va être mieux. Jesu, ils sont sur Hydrhead et en France, ça vend 300 copies. Ils sont sur un label très à la mode mais c'est un succès d'estime, ça vend rien, c'est comme KTT.

Comment c'est fait la connexion avec Aaron Turner ?

M. : Très simplement. Il m'a envoyé un mail : Voilà je suis Aaron Turner. J'ai flashé sur l'album 203 Barriers, vous existez toujours ? Mais il ne s'est pas présenté comme le boss d'Hydrahead ou le mec d'Isis. Et puis de fil en aiguille, je lui ai demandé qui il était, ce qu'il faisait et il se présente mais moi Isis, je connaissais vaguement. Donc ça s'est fait naturellement. Après on m'a dit " Isis, tu te rends pas compte, c'est génial ".
N. : Du coup, on a commencé à chercher sur internet, c'est quoi Isis… ah ouais (rire)
M. : donc voilà, j'ai trouvé ça sympa que tout ça puisse se faire, qu'on tourne avec eux et on refera des choses avec eux.

Je voulais revenir sur l'album et le chant en Français, notamment sur le morceau Soave. D'ailleurs au début, je ne savais pas que c'était toi (Marylin) qui le chantait, je croyais que c'était une invitée. C'est un morceau que je trouve très atypique par rapport aux autres titres de l'album et même de votre répertoire en général, que ce soit au niveau de la musique ou du chant, c'est un morceau que j'ai écouté en boucle et j'aurais bien aimé connaître la genèse de cette compo ?

M. : En fait, ça faisait longtemps que je n'avais pas chanté. Depuis le 1er album. Au départ, une fois le morceau fait, on ne savait pas qui allait le chanter. J'avais un texte depuis longtemps. Et un jour j'ai essayé. On a fait 4 prises et on a gardé. Ca été improvisé, j'ai adapté le chant à la musique existante. Je n'ai jamais répété ce morceau. On l'a fait en 1 journée avec un chant un peu " rap "….

Et des paroles beaucoup moins abstraites que d'habitude, un coté impudique qui m'a surpris de la part de KTT…

M. : oui, ça été difficile de le lâcher comme ça ce texte. C'est un texte qui est important pour moi et justement, c'est un texte qui parle de la pudeur. C'est un paradoxe de le crier comme ça alors que c'est quelquechose que tu retiens en toi depuis longtemps, quelquechose d'intime et là, c'était vraiment craché. Mais c'est un morceau que j'ai pas envie de faire sur scène… Je n'en vois pas l'intérêt. C'est plus comme une intervention dans l'album. C'est Nicolas le chanteur. C'est un morceau qui a été fait dans le moment, dans l'émotion et je n'ai pas envie de le refaire tout le temps et je ne sais pas si j'arriverais à avoir le même rendu.

Vous avez un autre morceau chanté en français sur ce disque (chanté par Fred). Vous voulez persister dans cette voie où… ?

F. : pour ma part, ça été logique de le faire en français parce que j'ai un accent à couper au couteau en anglais. J'ai fais un essai au début mais ça marche pas. Ca été comme pour Marylin. Ca été un jet, on ne l'a pas répété. C'est Nico qui devait le chanter au départ et puis finalement je l'ai fait en 2, 3 prises. Et le fait de crier, de faire un chant assez extrême, on ne comprend pas les paroles, donc que ce soit en français ou en anglais… C'est plus une violence qui devait se dégager de ce morceau qu'un chant perceptible.
N. : Ce qui se passe, c'est qu'on est touché aussi par le chant en français. On écoute des choses en français qui nous touchent et au bout d'un moment, on a envie de prendre part.

Qu'est ce qui te touche en français ?

N. : personnellement, j'aime bien Dominique A, Bashung, Arno…. Le fait de chanter en anglais alors qu'on est pas anglophone est un peu bizarre. Pendant des années, tu fais un groupe de rock donc tu chantes en anglais parce que c'est une énergie mais au bout d'un certain temps, tu as envie que les choses soient plus claires, de faire un peu le tri. C'est aussi pourquoi ce disque est plus mélodique, moins frontale. On vieilli peut-être alors on aime les choses plus douces mais on aime toujours l'agressivité. Ce n'est pas un compromis mais un choix, rendre les choses plus accessibles et pas dans un sens plus commercial…. On a joué également pour un metteur en scène qui s'appelle Hubert Colas. Il ya beaucoup de texte et on y est plus sensible maintenant. Mais tout ça se fait très naturellement.

(Arno) Vos références musicales changent aussi ?

N ; c'est vrai, je n'écoute plus trop de rock. Beaucoup de musiques instrumentales, plus de lecture… Des choses, et je parle juste pour moi, qui sont en train de changer….

Et c'est la 1ère fois que vous mettez vos textes sur un album ?

M. : Oui, c'était le bon moment. Avant, ça faisait parti d'un truc, c'était les années 90, bruitiste à mort, tout le monde s'en foutait des textes. Nicolas a une vraie écriture. Il l'avait avant mais c'était moins poussé que ces dernières années donc on s'est dit que c'était le moment idéal pour mettre les textes. Beaucoup de gens nous le demandaient aussi et c'est vrai que c'est intéressant de savoir de quoi on parle….

C'est vrai que, personnellement, je n'avais jamais fais attention à vos paroles, et je ne pensais pas que vous y attachiez de l'importance désormais…

N. : Ce n'est pas vraiment de l'écriture non plus. Ce sont des jets directs qui se marient avec la musique. Mais c'est important maintenant qu'on comprenne le sens de ce qui est dit. Au tout début, on chantait en yaourt mais au bout d'un moment, tu te dis que ça n'a pas de sens, ça sert à rien. C'est musical, c'est intéressant mais après tu as envie que les textes soient lus, entendus, compris ou pas compris, interprétés de manière différente. C'est une ouverture de plus sans forcément aller dans la variété.

Et vous y pensez déjà pour votre prochain album, une évolution possible… ?

M. : vu notre lenteur (rire)…. On en parle. Là, on en parle. Ca fait que 6 mois que Tellurique est sorti, on a fait environ 50 concerts. On va pas se dire comme les autres années " on joue, on joue, on joue ", il n'y aura plus de toute façon d'actualité dans la presse donc maintenant il faut qu'on travaille, qu'on passe à autre chose.
N. : et puis il faut qu'on travaille aussi pour vivre alors…. (rire)

Suit une discussion collégiale sur Marseille où il ya beaucoup plus de rock qu'on le pense, le soutien au rock qui n'existe pas, la Machine à Coudre, la mjc Mirabeau, les salles qui n'existent plus (comme partout en France !),
des gestionnaires de salles qui ont remplacé les programmateurs-musiciens, de leur non-appartenance à n'importe quel réseau (genre Fédurock) car " on sait toujours tenu à l'écart de tout. Quand on a commencé le groupe avec uniquement des cassettes, on est parti un mois en Pologne, en Italie donc on s'est dit qu'on pouvait se débrouiller tout seul et 16 ans plus tard, on se débrouille toujours tout seul hahaha ! " et que Kill The Thrill n'est pas un groupe de metal (mais ça on le savait déjà), que toutes ces salles subventionnées par de l'argent public pour soutenir la Création (avec un grand C) ne programment en fait que des trucs qui peuvent rapporter des gros sous, idem pour le théâtre, les compagnies de danse, que c'est toujours les mêmes gros trucs merdeux qui ramassent toutes les subventions, que l'argent sert à promouvoir des trucs qui marcheraient d'eux-mêmes, que si tu veux passer ton été à suivre les festivals pour voir des choses diverses et variées, tu finiras par voir toujours les 2,3 mêmes groupes qui squattent toutes les affiches, que ça fait 3 ans qu'ils cherchent un tourneur sans succès, non pas parce que les tourneurs leur disent que ce qu'ils font est nul, au contraire, " c'est vraiment de qualité mais je peux rien faire pour vous " et ça, ça te flingue le ventre, qu'avant tu recevais des brochures de la DRAC " comment devenir manager " et maintenant tu reçois des brochures " Apprenez à répéter dans votre local de répétition ", " Devenez musiciens professionnels " mais où va-ton Madame ! mais que tout ça va forcément changer/péter, ça peut plus durer,
qu'on a dit beaucoup de choses pessimistes mais que le plaisir es toujours là (merci Marylin) et qu'il est temps d'aller se défouler sur Binaire qui va commencer son concert et qu'on va arrêter là avant de se miner définitivement le moral. Ah ! bon dieu de rock'n'roll !!!!
Merci à tous les protagonistes.

SKX (14/04/2006)


















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chronique Tellurique
chronique 203 Barriers


photos et compte-rendu du concert du
9 février 2006 à Rennes