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Clean Girls
Despite You – LP
Accidental Guest 2015
Expensive Tastes - split tape with Vulture Shit
Mirror Universe 2014
Last House – 12''
Self-released 2013
American Mothers - 12''
Self-released 2012



Clean Girls, la totale. De la tête aux pieds. Plus blanc que blanc. Et encore un peu plus sourd qu'avant. Revue discographique parce que, vu l'énorme mandale prise par Despite You, il a fallu sérieusement se pencher sur le passé de ce groupe débarqué de nulle part et venant de saccager en bonne et due forme les dernières relations avec le voisinage. Dans Clean Girls, une seule fille, Stephanie Monohan, à la basse et qui fait les pochettes. Deux mecs, Chris Tracy (guitare/chant) et Stephen Reader (batterie). Trio basé à New-York dont le premier méfait remonte à 2012 avec le 4 titres American Mothers. Et les mères de famille américaines ont sûrement foiré quelque chose dans l'éducation de leur progéniture. Car Clean Girls n'est pas clean du tout. Chez eux, le noise-rock s'envisage dans le domaine du tout à fond avec un maximum de dommages collatéraux. Comme ils le disent eux-même, ils ne jouent avec leurs instruments, ils les battent. Ne croyez pas pour autant que c'est le grand n'importe quoi, le bruit pour le plaisir du seul bruit. Et c'est là que ça devient fort. Le trio allie un son incroyable avec un sens de l'écriture à tomber. Je ne connais pas leur secret de fabrication mais les pédales du guitariste sont forgées dans le feu de l'enfer. La basse, la batterie sont saisissants de puissance et tout sonne étonnement juste, colossal, assourdissant sans vous niquer les oreilles. Un titre comme le furieux June Girls, c'est My Bloody Valentine ou les Telescopes jouant avec la férocité d'un Great Falls. Unsane, Cherubs ou les plus récents Couch Slut se faisant lapider sur l'autel de la violence pure. Je ne sais pas quel est le passé des membres de Clean Girls mais ce premier enregistrement affiche déjà une étonnante et impressionnante maîtrise.





L'année suivante, Clean Girls réalise par ses propres moyens Last House, un nouveau 4 titres. Un certain Mario Viele est toujours crédité à la production et celle-ci est toujours énormissime. Et comme Clean Girls n'est pas du genre à se cacher derrière un son XXL, Last House éclate de quatre nouvelles compositions diaboliques, avec des idées de riffs, de rythmes derrière tout ça, des structures tour à tour vicieuses, directes (Modern Family et sa minute trente-huit de terre brûlée) ou à la tension sous-jacente (mais jamais trop longtemps) avec les six minutes et quelques de Never Wobble In Boots en point de mire. Entre les arpèges cristallisants, la ligne de basse qui ne laisse rien augurer de bon et comme un son de cloches par derrière, ce titre donne quasi dans le psychédélisme avant le final tel qu'on les sait désormais capable tout en montrant qu'ils ont plus d'un tour dans leur sac et que toutes les options semblent permises chez Clean Girls. Un disque indissociable de American Mothers. A se demander ce qu'on foutait cette année là pour ne pas avoir entendu le bruit fracassant de Clean Girls.






Tout est bon pour se faire entendre et en 2014, Clean Girls laisse deux titres sur une vulgaire cassette en compagnie de Vulture Shit, autre groupe de Brooklyn sur Mirror Universe. Sans doute à cause du support, le son ne pète pas aussi violemment à la gueule. Mais la bête est là dans l'ombre. Portion Control et Day Of The Woman, deux compos qui sentent toujours le souffre avec des tombereaux de batterie et un guitariste capable de sortir les accords mélodiques qui tuent, tranquillement, en plein milieu du carnage, pour mieux actionner ses pédales inhumaines.
Un mot sur Vulture Shit, inconnu au bataillon. Le premier titre s'appelle Sober Girlfriend. Ça ne dure qu'une minute et il n'y a pas que les paroles qui ont l'air marrante. Leur approche du noise avec une grosse basse distordue possède un coté désopilant, tout comme le débit du chanteur, avec un sens du groove proche d'un No Means No en version très réduite (les cinq morceaux dépassent à peine la minute à chaque fois). Et puis un groupe qui reprend le Mouthbreather de Jesus Lizard ne peut pas être foncièrement mauvais. Je demande tout de même à en entendre plus.






Et on arrive donc à Despite You, le premier album par lequel tout a commencé, l'objet de tous les tourments, celui qui a mis le feu au poudre et dont on a pas du tout envie d'éteindre la mèche.
Clean Girls a franchi un nouveau pas dans la démesure mais aussi dans le contrôle. Les pédales du guitariste sont nouvelles ou le réglage encore plus maléfique mais dans tous les cas, j'ai rarement entendu un telle sonorité, l'impression d'habiter dans le corps de l'ampli, de ne faire plus qu'un avec l'instrument, le truc qui vous cogne et vous enveloppe, vous broie et vous transporte littéralement. Et sous le déluge, Despite You regorge de trouvailles brillantes. L’enchaînement à la batterie entre la fin de Burn Book et Woad. Les arpèges magiques de ce même Woad avant un pur déchaînement de violence hallucinante. Le chant noyé dans le mix qui rajoute une dimension dramatique. La facilité qu'ils ont à trouver des mélodies pour rehausser la teneur en piment, éclairer le propos et garder l'auditeur vivant comme au milieu de Day Of The Woman qu'on retrouve ici sous de bien meilleures enjolivures. Et quand on les croit à fond, ils trouvent une sixième vitesse. Une attitude de punk avec des morceaux punks (Magic City et plein d'autres moments qui laissent la gueule béante), un batteur tachycardique qui pulse de manière magistrale, une introduction plus calme et belle sous les grésillements pour reprendre son souffle (Young Sweat) car sinon la hargne est omniprésente. Des attaques qui scotchent sur place, un sens du riff rock et accrocheur largement au-dessus de la moyenne laborieuse. Et ces guitares qui en rajoutent encore et encore une couche, ce son de malade, le fuzz, les saturations divines, tout y passe, tout se consume dans l'instant. Dans noise-rock, il y a noise et rock. Clean Girls les remet côte à côte, en lettres majuscules et à parts égales. Absolument grandiose et unique.

SKX (21/09/2015)