sissters
coraille


Sissters
There's A Party In My Mouth But You're Not Invited - LP
Coraille records 2011

Je ne veux pas savoir ce que fait Sissters avec sa bouche mais je veux bien être de la partie quand même et m'enfiler leur premier album toute la nuit. Sissters avec plein de S dedans pour mieux percevoir le sifflement entre les oreilles, serpent sonore fâché avec la ligne droite, zigzaguant à l'intérieur de structures revêches. En dépit d'une formation on ne peut plus resserrée (guitare/chant et batterie) et d'une essence purement punk, les deux Sissters de Berlin ruent dans les angles, déconstruisent, transfigurent, donnent dans l'arythmie et les couplets sataniques où le refrain est toujours absent.
Bref, tous les termes adéquats pour parler de math-rock et pourtant, ce n'est pas un terme convenable. Il faut prendre cette musique dans le sens US Maple de Long Hair In Three Stages. Loin de moi l'idée de comparer ces deux disques, pas de crime de lèse-majesté mais les Sissters possèdent ce goût commun d'entreprise de démolition, l'art du désossage avec des fulgurances noisy à l'intérieur. Une guitare sur le devant et le plus souvent en sons claires et tranchants, des morceaux qui surfent sur des pointes, des explosions contrôlées, de la tension larvée. La première écoute ne semble pas aisée, les morceaux s'enchaînent, se ressemblent, le ressac des rythmes rebondit d'un titre à l'autre mais très rapidement, les sept titres se prennent d'un bloc, certaines lignes de guitare éclaircissent l'impression de chaos autant que les silences et les non-dits sur lesquels le groupe s'amuse. De ce bloc comportant donc nombre d'espaces, le titre King and Queen Shallow se détache. Non seulement par sa durée (sept minutes contre une moyenne de trois pour les autres) mais parce que Sissters est particulièrement affûté et inspiré, trouvant admirablement bien le dosage, entre un début envoûtant avec comme un saxo dans le fond puis des riffs charnels, cinglants, instaurant un dialogue guitare-batterie de haute-volée, d'une impression décousue mais particulièrement efficace. Bizarrement, c'est quand Sissters développe ses structures, prenant le temps de peaufiner les différentes ambiances que la percussion est la plus savoureuse.
Mais tout ce bordel aiguisé aurait été plus banal sans une pointe de sexe. Comme chez US Maple, c'est le chant qui fait office de maîtresse vicieuse. Un chant très personnel, tour à tour aigue ou plus viril, plus Bowie ou tendu, bourlinguant sur les anti-mélodies, énervé ou glissant dans un feulement. A tel point que j'ai fini par me demander si c'était bien la voix d'un mec. Après quelques recherches sur le groupe, la seule chose potable trouvée, c'est cette vidéo et je ne suis guère avancé (bien que j'aie ma petite idée). Disons que c'est entre les deux et à vrai dire, on s'en tape royalement. Parce qu'il apporte une singularité qui fait définitivement basculer Sissters sur une autre planète que le math-rock frontal.
There's A Party In My Mouth But You're Not Invited est une très bonne surprise et ça s'avale jusqu'à la dernière goutte.

SKX (15/09/2011)