One Second Riot/Abronzius/Kill The Thrill/Year Of No Light
Dark 80's - 10''
Atropine records 2009

Les années 80 ont toujours et plus que jamais le vent en poupe. Pour le meilleur comme pour le pire. Demain nous aurons tous oublié ces groupes neo post punk et proto new wave qui singent Gang Of Four ou Wire à tour de bras -il y a aussi des adeptes de Thompson Twins, quelle horreur !- et que nous ne prenons même pas la peine d'écouter tant nous savons que nous allons y trouver tout ce que nous détestons : les années 80, période musicale sur le fil du rasoir où tout a basculé dans la pire lavasse dominée par une intensification outrancière du business, le grand début de la fin de l'industrie musicale et concomitamment l'essor de la scène alternative, des labels indépendants et de l'esprit DIY. Un mal pour un bien. Les trois groupes repris sur ce 10 pouces sortaient tous leurs disques sur des labels indépendants (et parfois en sous main de maisons de disques bien plus importantes) -Fiction, EG et Factory- dont certains sont depuis devenus mythiques à défaut de devenir énormes. Aujourd'hui, lorsque on (r)achète une réédition des Cure ou de Joy Division c'est Universal et Warner que l'on engraisse.
C'est donc fort ironiquement que les quatre groupes qui ont enregistré pour ce Dark 80's et que le label lyonnais qui a produit ce disque sont autant de crevards et de microbes. C'est donc aussi qu'au final il n'y a que la musique qui compte. Loin de toute prétention et de tout recours à la nostalgie faisandée, l'hommage est sincère et évident. Evident parce que ces quatre groupes ont chacun dans leur domaine et avec leur style propre su s'approprier quelques fleurons des années 1979/1982. La relecture est pertinente et positive. Un vrai bonheur.
One Second Riot arrive sans difficultés à faire rentrer One Hundred Years des Cure dans le cadre de sa formule basse/batterie et chant. Les rythmes terrassants tout comme la mélodie envoûtante retrouvent une énergie et une immédiateté que peu de groupes reprenant la bande à Robert Smith avaient su atteindre jusque là. Le chant répond aux mêmes échos funèbres, la similitude des timbres de voix est assez frappante. Autre duo, Abronzius -avec deux membres d'Overmars- assure un traitement plutôt folk et minimaliste à Charlotte Sometimes (toujours des Cure) : une guitare égraine quelques notes renforcées par des nappes synthétiques vraiment très belles, des chœurs samplés bien ajustés et des rythmes allégés tandis que le chant féminin, d'une voix légèrement cassée, traînant juste ce qu'il faut et avec ce petit lyrisme granuleux, rappelle toute la mélancolie et l'âpreté de cette magnifique chanson. Fin de la première face.
La face B de Dark 80's débute elle par une excellente surprise : Kill The Thrill reprend l'énorme The Pandys Are Coming de Killing Joke et c'est la bassiste Marylin Tognolli qui chante. Le choix est vraiment judicieux et le résultat s'il est très respectueux de la version originale (sur l'album Revelations) n'en est pas moins synonyme d'excellence et de plaisir. La version du Disorder de Joy Division par les bordelais de Year Of No Light est celle que tout le monde connaît déjà puisque à l'origine enregistrée pour les vingt ans du fanzine Abus Dangereux. A l'inverse de Kill The Thrill, Year Of No Light inflige un traitement de choc à Disorder, ralentissant le rythme à l'extrême, épaississant les guitares et lui donnant une tournure minérale inédite. A bien y réfléchir, il n'y avait sûrement aucun autre moyen de s'attaquer à cet emblème post punk sans risquer d'avoir l'air ridicule. Et ridicule Year Of No Light ne l'est assurément pas.
Quatre titres cela peut paraître un peu court mais on tient bien là le format idéal pour une telle entreprise d'exhumation/réinterprétation : pas le temps de s'ennuyer, pas de déchets et un carré d'as en guise d'interprètes. Non seulement il n'y a ici rien de superflu mais en plus tout est essentiel.

Haz (03/05/2009)