
savageland
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16-17
16-17 + Hardkore & Buffbunker + When All Else Fails - 2xCDs
Savage Land 2005
Les rééditions,
il n'en manque pas sur le marché. Mais celle qui se présente
à vous est plus que utile et peut être considérée
comme une véritable nouveauté tant 16-17 semble être
tomber dans les limbes de l'oubli. 16-17 est un trio suisse dont les soubresauts
remontent au milieu des années 80. Un groupe pionner des musiques
extrêmes, dans l'art de mélanger le free-jazz et l'énergie
du hardcore, se faire rencontrer des sonorités électroniques
et le nihilisme punk. Depuis, Painkiller, Flying Luttenbachers, les Italiens
de Zu sont passés par là mais ils doivent énormément
à ces avant-gardistes. Savage Land, label lyonnais, a eu la bonne
idée de ressortir leurs albums du placard.
Sur ce double-CD, trois enregistrements différents. Reprenons l'histoire
dans le bon ordre. Hardkore & Buffbunker, première trace
de 16-17, uniquement sorti en cassette (la préhistoire), enregistré
live en 1984 à Zurich que Calypso Now s'était chargé
de réaliser et distribuer. Trois entités de chairs et de
cris qui ont pour nom Alex Buess au sax-alto (qui jouera aussi avec le
mega groupe apocalyptique God, groupe de Kevin Martin auquel a collaboré
un certain Justin Broadrick), Knut Remond pour la batterie et Markus Kneubühler
pour la e-guitare et les effets electro. Le sax de Buess vous prend d'assaut
à la gorge sur Hardkore I, soufflant comme un damné
pendant qu'un solide rythme propulse l'ensemble. Et quand il ne se ruine
pas les poumons, il vocifère comme il joue du sax sur Hardkore
II en alternance avec son instrument fétiche. Il faut attendre
Buffbunker IV pour que 16-17 entreprenne de se calmer au cours
de sept minutes abstraites et l'hypnose d'une ligne de basse. Cinq titres
en tout, tout trépidant et en brutalité, rebondissant sur
tous les styles sans s'arrêter sur un en particulier, passant allègrement
de la new-wave d'un James Chance et ses Contortions au bouillonnement
d'un Miles Davis. L'année 1984 n'était sans doute pas prête
à ça et le public de Zürich encore moins.
Il faut attendre 1987 pour voir le 1er album de 16-17. Un album éponyme
(16-17), présent sur ce même CD et réalisé
à l'origine par Rec Rec. Les quatre morceaux pour débuter
sont issus d'un enregistrement studio. L'impact physique de la batterie
vous saute directement dessus. Alex Buess s'enivre de tonalités
libérées et d'un bon coup dans les bronches. Le rythme derrière
continue de vous marteler les tympans comme sur l'impressionnant Davul
et que de fines stridences finissent par vous lacérer. Les trois
derniers morceaux sont à nouveau des enregistrements live. Une
mixture sans fard avec les huit minutes d'un Bomba Bomba où
16-17 nous fait la totale. Entre les bruits industriels d'un Einsturzende
Neubauten, les frasques de Buess au chant, les drôles de sons qu'il
tire de son saxo et la démence du final, on a là un morceau
complètement éclaté et lunaire.
Le 3ème enregistrement a le droit à son CD tout seul. C'est
l'album When all else fails sorti par Visions en 1989. Un album
concis, qui va droit au but. Seulement six morceaux pour un peu plus d'une
demi-heure d'une bête dévastant tout dans son champ d'action.
Sneak preview est une charge frontale sans repos pour l'âme.
Chaque coup de baguette de Kurt Remond est d'une précision diabolique,
que ce soit avec une batterie classique ou une batterie électronique
et son jeu inventif et physique est pour beaucoup dans l'hypnose que procurent
les affres décibeliques de 16-17. C'est toujours enregistré
dans des conditions live sur un 4 pistes pour un impact et un rendu encore
plus cru, le groupe s'excusant presque dans les notes de pochette d'avoir
dû retravailler quelques sons en studio plus tard. 16-17, un groupe
de scène avant tout, dans la grande tradition des jazzmen mais
avec l'approche de punks, l'amour pour le bruit brut, la transe procurée
par le rythme tour à tour tribal ou effroyablement répétitif,
le choc du son sur l'auditeur, faire corps au sens strict du terme avec
la musique. Coller vous les morceaux Clap trap et Spit it out
et essayer de respirer après ça. Jamais eu autant de plaisir
à se faire lobotomiser. When all else fails, machine primaire
et originale dans lequel on retrouve l'esprit du God de The Anatomy
of addiction en version réduite et boule ramassée prête
à bondir. Un album injustement méconnu qui devrait figurer
en haut de toutes piles de disques d'amoureux de musiques autant avant-gardistes
que bassement rock. 15 ans plus tard, Weasel Walter (Flying Luttenbachers)
s'est occupé de remasteriser ces 3 enregistrements. Pour avoir
réussi à me procurer récemment When all else fails
en vinyl d'origine dans les méandres d'internet, ce groupe 16-17
n'a pas pris une ride et Weasel Walter n'a pas du avoir grand-chose à
faire. Espérons que cette réédition qui respecte
en tout point les artworks originaux rend justice aux 3 Suisses.
16-17 sortira
d'autres disques par la suite dont le phénoménal Gyatso
en 1994 sur Pathological puis deux autres maxis et comptait dans ses rangs
lors de ses dernières prestations le dénommé Michael
Wertmuller, l'ex-batteur de Alboth !, autre groupe parmi d'autres dont
l'influence de 16-17 sur leur travail a été prépondérante.
Espérons que Savage Land continue son travail de l'ombre.
SKX (18/11/2007)

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